Du bonheur d’avoir un père dictateur

Publié le 7 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Il purgeait une peine de quinze ans de réclusion pour avoir commandité l’assassinat d’un juge de la Cour suprême. Pour le même crime, un Indonésien ordinaire aurait été condamné à la peine capitale, puis fusillé. Mais le flamboyant Hutomo « Tommy » Mandala Putra (44 ans), le cadet et le plus « allumé » des enfants de l’ancien dictateur Mohamed Suharto (1967-1998), n’est pas un citoyen comme les autres. À la tête d’une fortune personnelle estimée à 800 millions de dollars, il a conservé des manières d’enfant gâté : il ne supporte pas l’idée de ne pas obtenir tout ce qu’il veut. Par la grâce d’une remise de peine, il n’aura finalement passé que cinq ans derrière les barreaux de sa cellule climatisée. Le 30 octobre, à la grande fureur des organisations de défense des droits de l’homme, « Tommy » a recouvré sa liberté. Avec un sourire narquois à l’adresse des photographes qui campaient devant la prison de Jakarta.
En 2001, l’opinion indonésienne s’était pourtant réjouie de sa condamnation, en dépit de la légèreté de la peine. Le fils du despote embastillé dans cette même prison où croupirent tant d’opposants à son père, c’était la fin d’un tabou. Cela signifiait que la famille Suharto, qui dirigea si longtemps l’Indonésie comme une entreprise familiale, n’était plus au-dessus des lois. Profitant d’un système de corruption endémique et de son monopole sur des pans entiers de l’économie, ladite famille avait amassé une fortune estimée à 45 milliards de dollars.
En 1999, au cours d’une transaction comme d’habitude douteuse, Tommy était tombé une première fois. Pour corruption. Sous la pression d’une campagne médiatique contre l’impunité dont bénéficiaient les dignitaires de l’ancien régime, le gouvernement dirigé à l’époque par Abdurrahman Wahid avait voulu faire un exemple. Et un juge courageux l’avait condamné à dix-huit mois de prison. Mais Tommy avait préalablement pris la fuite En cavale, il avait versé 10 000 dollars à deux tueurs pour qu’ils abattent le magistrat. Au bout d’un an, il avait fini par se rendre à une police fort prévenante à son égard.
Dispensé de menottes, il avait été autorisé, pendant sa garde à vue, à recevoir autant de visiteurs qu’il le souhaitait. Plus incroyable encore, on l’a vu poser pour la photo, tout sourires, avec le chef de la police – limogé peu après. Finalement condamné, Suharto Jr avait transformé sa cellule en quartier général de Humpuss, son conglomérat, et continuait de diriger ses affaires à travers le monde. Grand amateur de voitures de luxe, il est ainsi entré à hauteur de 40 millions de dollars dans le capital du constructeur italien Lamborghini. Un rêve d’enfant, sans doute, qui fait penser au caprice d’un Saadi Kadhafi rachetant des parts du capital de la Juventus de Turin pour pouvoir côtoyer les plus grands footballeurs
En prison, il n’aura finalement manqué à Tommy que le faste de son yacht de 4 millions de dollars, mouillé dans un port de plaisance australien. Et quelques parcours sur les greens impeccables de son golf 18 trous, en Angleterre. Désormais libre, il va pouvoir réparer cette insupportable injustice.

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