Connexion algérienne

Cinq ans après son arrivée sur le plus grand marché du Maghreb, la filiale d’Orascom est le numéro un incontesté de la téléphonie mobile au plan national. Et le « pilier » de sa maison mère.

Publié le 7 novembre 2006 Lecture : 4 minutes.

« Seul le leader peut aller aussi loin en générosité pour ses abonnés ! » Ainsi se congratule Djezzy, numéro un du téléphone mobile en Algérie, pour annoncer sa rituelle promotion du ramadan. Cette année, les appels passés entre minuit et dix-sept heures étaient gratuits à partir de la sixième minute. Le maniaque qui voulait profiter pleinement de ce régime spécial pouvait téléphoner 450 heures durant sans débourser 1 dinar !
Cinq ans après son arrivée dans le plus grand pays du Maghreb, et aussi le plus peuplé, la filiale de l’égyptien Orascom Telecom (OT), au nom commercial sur mesure – Djezzy évoque Djazaïr, Algérie en arabe -, est fidèle à son image des débuts : conquérante, pionnière, entièrement dévouée à sa clientèle (à dessein, Djezzy sonne aussi comme djaza, « cadeau ») pour mieux la fidéliser. Une stratégie manifestement payante, dans tous les sens du terme : le 31 août 2006, Orascom Télécom Algérie (OTA, nom officiel de Djezzy) annonce avoir acquis son « dix millionième » abonné dans un pays qui compte 30 millions d’habitants. Quelques mois plus tôt, le rapport annuel 2005 de la maison mère rend hommage à la plus rentable des filiales, devant Mobilink (Pakistan) et Iraqna (Irak) : avec un chiffre d’affaires de 1,074 milliard de dollars et un résultat opérationnel de 576 millions (avant amortissements et dépréciations), OTA contribue au chiffre d’affaires consolidé d’Orascom Telecom à hauteur de 33 %.
L’histoire de Djezzy est une suite de gros chiffres. Le 11 juillet 2001, Orascom Telecom remporte la deuxième licence de téléphonie mobile en Algérie pour la bagatelle de 737 millions de dollars. En lice, le français Orange peut remballer son offre – enveloppe close – de 420 millions de dollars. Comment expliquer un tel écart ? « Orascom était déjà présent au Pakistan, au Yémen et en Syrie, ?explique Hamid Grine, directeur de la communication d’OTA. Nous étions donc plus à même d’estimer le risque et le potentiel algériens. » Vu la somme qu’il a déboursée, le groupe égyptien avait identifié plus d’opportunités que de risques
À l’époque, la « télédensité » en Algérie – nombre d’habitants équipés d’un téléphone, ramené à la population – est dérisoire : deux pour mille. De facto, la concurrence est inexistante : confortablement installé dans un monopole qu’il croit éternel, l’opérateur historique, Algérie Télécom, laisse le champ libre Et la demande est bien là : après dix années de terreur et d’isolement, les Algériens brûlent de s’ouvrir au monde, d’autant que, au même moment, leurs voisins du Maghreb découvrent les joies de la téléphonie mobile. Djezzy commence à vendre des puces avant même que son réseau ne soit activé (il le sera effectivement le 15 février 2002). Le succès est immédiat.
En septembre 2003, OTA franchit la barre symbolique du million d’abonnés. En juillet 2004, il en affiche deux, puis, cinq mois plus tard, trois. Le chiffre d’affaires suit : entre 2002 et 2003, il est multiplié par plus de trois, passant de 96,5 à 338,2 millions de dollars. Jusqu’en 2004, la réussite de Djezzy n’a rien que de très normal. Quasiment seule sur le marché, l’entreprise est adossée à un groupe prospère et doté d’une expertise technique qui lui permet de développer les infrastructures : en août 2003, OTA couvre les 48 wilayas (préfectures) du pays, en anticipant de quatre mois sur son cahier des charges. Ainsi, Djezzy occupe le terrain de pied ferme quand Nedjma, nom commercial de Wataniya Télécom Algérie (filiale du koweïtien Wataniya Telecom), entre sur le marché, en août 2004, puis quand, un mois plus tard, Mobilis, filiale d’Algérie Télécom, sort de sa torpeur.
Dès lors, la part de marché d’OTA décline au profit de ses deux concurrents : elle passe, d’après l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications, de 70 % en décembre 2004 à 53,27 % un an plus tard. Néanmoins, Djezzy continue à gagner des abonnés : de quatre millions en février 2005, le nombre de « fidèles » passe à sept millions en novembre de la même année. La stratégie commerciale est « agressive », reconnaît le rapport annuel 2005 d’Orascom Telecom. « Cela ne signifie pas casser les prix, se défend Matthieu Galvani, directeur général adjoint d’OTA, mais offrir le meilleur service, les meilleures offres, la meilleure couverture, et ce au meilleur prix. » À 900 dinars, la carte Djezzy prépayée est effectivement plus coûteuse que celle des concurrents. OTA ne casse donc pas les prix et cherche avant tout à garder ses abonnés. Comme sur le reste du continent, ces derniers sont volatils. Les « abonnés » sont en fait de simples détenteurs d’une ou de plusieurs puces (et il suffit d’un geste pour en changer) : les services bancaires et postaux ne sont pas assez développés pour la mise en place d’un système d’abonnement. « On ne promeut pas l’achat de la puce, assure Matthieu Galvani. On préfère récompenser notre base d’abonnés par des promotions agressives et on essaie de s’adapter à la demande au maximum. Certains aiment avoir un mobile et passent un appel de temps en temps, tandis que d’autres ont du mal à vivre sans. Il faut s’assurer que les bonnes personnes ont les bonnes offres tarifaires et bénéficient de services qui leur sont vraiment utiles. »
Mais, indirectement, l’objectif est bien évidemment d’attirer de nouveaux clients par ces offres dites sur mesure (certaines sont destinées aux entreprises). Et le temps presse : avec un taux de pénétration qui dépasse 50 %, le marché approche de la saturation.

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