Visages du souk

Le Marocain Hassan Darsi fait poser des familles dans son studio ambulant. Kitsch à souhait.

Publié le 6 octobre 2003 Lecture : 2 minutes.

Le portrait de famille, une vieillerie éculée ? C’est compter sans le regard nostalgique de Hassan Darsi, qui regrette le temps où « dans les vitrines des photographes de quartier étaient exposées de telles photos ». « Ce rapport harmonieux de l’intime au public tend à disparaître. Les gens se font plus volontairement anonymes », constate cet artiste casablancais qui a trouvé sa manière à lui de maintenir cette chaleureuse harmonie.
D’un pays à l’autre, il fait poser des familles dans un décor de studio qu’il a conçu et voulu kitsch : grand poster avec coucher de soleil et palmiers, doubles rideaux et, surtout, pot de fausses fleurs, comme un clin d’oeil à l’artificialité d’un moment néanmoins authentique. L’artiste demande à chaque famille d’apporter un objet personnel. Guitare, portrait du roi Mohammed VI, peluche, théière et même un cochon trôneront ainsi tour à tour sur un socle qui les érige le temps d’un clic en membre à part entière de la famille.
Après avoir planté son studio ambulant à Schiedam (Pays-Bas) en 2001, à Casablanca (Maroc) en 2002, à Malines (Belgique) en 2003, puis au Cap (Afrique du Sud) en 2003, c’est finalement loin des villes et de leurs habitants que Hassan Darsi s’est arrêté pour sa cinquième série de portraits. Il est allé à la rencontre de la population du souk Hed Oulad Frej, sur l’invitation d’Abdellah Karroum, ce trublion de la création contemporaine qui entraîne des artistes, toutes disciplines confondues, vers des lieux et des publics non conventionnels (voir J.A.I. n° 2215, page 101). Pour Hassan Darsi, le choix de ce souk, qui se tient tous les dimanches à 170 kilomètres au sud de Casablanca, n’est pas anodin. « C’est la région d’où est partie ma famille pour ne jamais y retourner, fuyant la famine qui sévissait dans les campagnes du Maroc sous le protectorat. C’est un retour dans son histoire », explique-t-il.
Comme pour les portraits précédents, Hassan Darsi ne prend pas lui-même les photos, mais demande à un tiers d’assurer la prise de vue. Pendant ce temps, il observe « l’enchevêtrement des décors », l’ambiance « chaotique » du souk qui « contient le décor sophistiqué » du studio et qui « confère une dimension surréaliste à cette série ». On l’imagine s’amusant devant la surprise des familiers du marché déroutés par l’irruption d’un stand où rien n’est à vendre, n’en déplaise à quelques ménagères qui demandent le prix des fleurs en plastique ou celui de la tenture du décor.
Les visages de Hed Oulad Frej ont d’abord été exposés au souk le 21 septembre avant d’être présentés du 28 septembre au 10 octobre 2003 à l’Appartement 22, à Rabat, puis de s’envoler vers d’autres espaces hospitaliers.

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