Mourir au pouvoir

Publié le 6 octobre 2003 Lecture : 2 minutes.

«Le président fait preuve d’un courage exceptionnel face à la mort » : c’est par cette phrase admirative qu’un diplomate onusien en poste en Afrique de l’Ouest concluait, il y a peu, son rapport sur l’état de santé de Lansana Conté.
Courage, certes, mais aussi refus d’accepter l’inéluctable. Son parti ne vient-il pas d’en faire, une nouvelle fois, son candidat à la prochaine élection présidentielle ? Il n’a pourtant, sauf miracle, que très peu de chances d’aller au bout de son mandat. À condition même qu’il soit en mesure de le solliciter.
De quoi souffre ce général de 70 ans qui règne sans partage sur la Guinée depuis bientôt deux décennies ? Officiellement (le diagnostic est connu à Conakry depuis bien longtemps), d’un diabète profond. En fait, selon des sources concordantes à Rabat et à Paris, Conté serait atteint d’un mal beaucoup plus grave et beaucoup moins maîtrisable : la leucémie.
Détecté tardivement, ce cancer du sang aurait donné lieu à un traitement par radio et chimiothérapie, au début de cette année, au Maroc, où le président guinéen a séjourné durant plusieurs semaines avant d’interrompre brusquement ses soins et de regagner
Conakry. Selon son entourage, Conté n’aurait pas apprécié qu’à l’équipe médicale marocaine qui lui avait été affectée à l’hôpital militaire royal de Rabat se soient
joints des spécialistes français venus de Paris. Toujours très méfiant à l’égard de la France, le général-président n’aurait pas supporté que son dossier médical puisse ainsi être accessible. D’autres sources ajoutent que Conté s’était persuadé de l’imminence d’un coup d’État militaire à Conakry s’il ne regagnait pas rapidement son pays.
De retour dans sa ferme, à une quarantaine de kilomètres de la capitale, le chef de l’État a été un moment suivi par plusieurs médecins marocains. Depuis, il se soigne à l’aide de médicaments, mais aussi « à l’indigène », par tradithérapie. Pour donner le change, il se rend tous les deux jours ou presque à Conakry, où il salue ses partisans et reçoit des visiteurs étrangers (parmi les derniers en date : le Nigérian Olusegun Obasanjo et le Malien Amadou Toumani Touré). Mais il ne parvient pratiquement plus à gravir un escalier. Et la télévision évite soigneusement les gros plans de son visage amaigri et fatigué. Tout comme elle se garde bien de diffuser des images où on le voit se lever ou s’asseoir. Aujourd’hui plus que jamais, nul n’a d’influence sur cet homme manifestement décidé à mourir au pouvoir. Quoi qu’il en coûte à son pays. Certaines leucémies peuvent, il est vrai, si elles sont correctement traitées, surtout à cet âge, connaître une évolution lente pouvant atteindre plusieurs années (huit à dix ans, dans
le cas des lymphoïdes chroniques), sans nécessiter de gros moyens thérapeutiques. Mais on voit mal un diabétique, donc exposé aux infections, atteint de ce cancer être en mesure de travailler plus que quelques heures par jour. Encore moins de diriger un État.

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