Liberia : d’où viennent les armes ?

Publié le 6 octobre 2003 Lecture : 2 minutes.

Au mois de juillet dernier, des cadavres avaient été empilés par la population de Monrovia devant l’ambassade des États-Unis, pour convaincre ce pays d’intervenir militairement au Liberia. Plusieurs dizaines de civils avaient été tués et plus de deux mille blessés par les tirs de mortier ou des balles perdues. Mais d’où venaient les armes utilisées par les rebelles du mouvement des Libériens unis pour la réconciliation et la réforme (LURD) ? À court de munitions, ces derniers avaient dû renoncer, en juin, à une offensive sur la capitale…
Les mortiers provenaient très probablement de la Guinée voisine, qui bénéficie d’une aide militaire américaine importante. L’année dernière, Human Rights Watch a démontré l’existence de liens entre ce pays et le LURD, et a invité Washington et Conakry à faire pression sur le mouvement rebelle pour le contraindre à mettre un terme à ses exactions. Au printemps, un groupe d’experts est arrivé à la même conclusion et a attiré l’attention sur un certain nombre de vols suspects. Plusieurs avions officiellement affrétés par une compagnie minière guinéenne auraient en réalité servi à transporter des cargaisons d’armes à travers le pays. Ces armes auraient ensuite été acheminées vers le Liberia, par voies terrestre et maritime. L’administration Bush a fini par demander au gouvernement guinéen de cesser tout soutien au LURD, mais ce dernier a jusqu’ici échappé à toute condamnation de la communauté internationale.

La Côte d’Ivoire a joué un rôle similaire en armant un autre groupe rebelle, le Mouvement pour la démocratie au Liberia (Model). Plusieurs témoins rapportent que le gouvernement ivoirien a, pour son compte personnel, enrôlé des mercenaires en leur promettant qu’ils pourraient ensuite « garder leurs armes et les rapporter au Liberia pour combattre Charles Taylor ». La ville ivoirienne de Toulépleu, proche de la frontière, constitue une excellente base arrière pour les hommes du Model. Bien que soumis à des sanctions onusiennes, le gouvernement Taylor a lui aussi bénéficié d’une aide extérieure. Des pays comme le Burkina l’ont aidé à dissimuler ses importations illégales d’armes. Sur le Robertsfield International Airport de Monrovia, un trafic aérien nocturne s’est poursuivi pendant tout le début du mois d’août.
Le LURD et le Model profitent de l’aversion que suscite Charles Taylor, dans le monde entier : avant son départ en exil, au Nigeria, n’a-t-il pas plongé l’Afrique de l’Ouest dans le chaos et multiplié les violations des droits de l’homme ? L’intervention des pays d’Afrique de l’Ouest a certes permis de rétablir un semblant de calme à Monrovia, mais le contingent régional n’est pas assez nombreux pour se déplacer à l’intérieur du pays. Du coup, les milices gouvernementales, le LURD et le Model continuent de violer, de piller et de déplacer les civils vers certaines zones rurales.
Le Liberia a le plus urgent besoin d’une force de maintien de la paix plus efficace, mais, au-delà, il faudrait mettre en oeuvre en Afrique de l’Ouest une diplomatie plus intelligente et plus active. Les États-Unis ont perdu de nombreuses occasions d’inciter les gouvernements de la région à résoudre le conflit libérien. Ils en auront d’autres qu’ils seraient bien inspirés de ne pas gaspiller.

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