Haro sur le président !

Publié le 6 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Tous contre Conté. Tel semble être le mot d’ordre de l’opposition devant la détérioration
de la situation sociopolitique en Guinée, alors même que le général-président Lansana Conté, gravement malade, persiste à vouloir se représenter en décembre prochain devant les électeurs. « Ce qui m’intéresse, aujourd’hui, c’est de mettre l’accent sur ce qui nous unit, à savoir le départ du président Conté », explique le leader du Rassemblement du
peuple de Guinée (RPG), Alpha Condé. Même son de cloche chez l’ancien Premier ministre Sidya Touré, président de l’Union des forces républicaines (UFR) : « Notre objectif, c’est de faire partir Conté, dont le passage à la tête de l’État s’est révélé calamiteux. » Siradiou Diallo, de l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR), ne dit pas autre chose : « Même si nous n’appartenons pas à la même coordination, je n’ai aucune divergence avec les autres partis de l’opposition. À quelques nuances près, nous adhérons à la même plate-forme. Nous n’avons guère le choix, car, si Conté est candidat, il n’y aura pas d’élections transparentes dans ce pays. »
Échaudées par les scrutins présidentiels frauduleux de 1993 et de 1998, les formations politiques de l’opposition entendent ne pas cautionner ce qu’elles appellent « des pratiques d’un autre âge », à savoir l’interdiction des manifestations, la « confiscation » de la radio et de la télévision publiques par les dirigeants de l’écurie
présidentielle, le Parti de l’unité et du progrès (PUP), les intimidations, les bourrages
d’urnes Plusieurs d’entre elles, au rang desquelles le RPG, l’UFR et l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Mamadou Bâ, ont donc décidé de faire cause commune au sein d’un Front républicain pour une alternance démocratique (FRAD). « Cette structure politique permet de lutter plus efficacement contre le pouvoir en place, d’élaborer des stratégies ou même, par exemple, d’ouvrir des négociations avec le gouvernement », souligne Sidya Touré.
Engagées en juillet dernier, interrompues puis relancées le 29 septembre, ces « séances de dialogue » placées sous la houlette d’un Comité interministériel dirigé par le
ministre de la Décentralisation, Moussa Solano, n’ont duré que l’espace des poignées de main et des premiers salamalecs entre les différentes délégations. L’opposition a, dès le lendemain, suspendu sa participation et aussitôt annoncé qu’elle ne reprendrait pas sa place à la table tant que les médias d’État ne traiteraient pas équitablement l’événement.
« Préoccupée par la situation désastreuse et chaotique de notre pays, l’opposition a cru de son devoir de répondre favorablement à l’invitation [des autorités] en dépit du grand déficit de confiance créé par les violations de la loi et les fraudes permanentes à l’occasion des élections », protestent les adversaires du président Conté. « Le compte-rendu que la radio et la télévision ont fait de la réunion était dans un pur style stalinien, confirme, au téléphone, Sidya Touré. Le gouvernement a essayé de récupérer cette affaire à son profit. Qu’en sera-t-il lorsque nous aborderons les questions de fond ou des sujets aussi délicats que la libéralisation des ondes, l’état de droit et la bonne gouvernance ? »
L’opposition, qui annonce d’ores et déjà un meeting unitaire pour le 12 octobre prochain, pose désormais plusieurs préalables à lareprise du dialogue dans un pays résolument à la traîne du mouvement démocratique en Afrique : accès équitable, permanent et immédiat de tous les partis aux médias publics, suspension de la campagne électorale prématurée des responsables du parti présidentiel, libre circulation des leaders d’opposition sur le territoire national, amnistie générale, etc. « En Guinée, c’est le règne du clairobscur,
souligne Siradiou Diallo. Le pouvoir est atteint de cécité, au point d’amener des gens qui, comme moi, sont des modérés, à passer pour des radicaux. Conté n’a jamais respecté ses engagements. Il ne faut donc pas s’étonner que le pouvoir essaie de récupérer à son seul profit les discussions avec l’opposition. »
Même si elle semble plus déterminée que par le passé face à un pouvoir considérablement affaibli par la maladie de son chef, l’opposition aurait tort de pavoiser, alors que de sérieuses incertitudes pèsent sur le prochain scrutin présidentiel et que les rumeurs les plus folles évoquent, de façon récurrente, une possible immixtion de l’armée dans le débat politique. « Si c’est pour une brève période de transition, pourquoi pas ? » se réjouissent déjà, mezza voce, certains leaders de l’opposition. C’est oublier que les militaires, généralement, n’aiment pas chauffer la place pour d’autres.

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