Faux terroriste et vrai suicidaire

L’attaque contre le mur d’enceinte de l’ambassade américaine à Tunis était l’oeuvre d’un demandeur de visa éconduit…

Publié le 6 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Ce n’était pas un attentat suicide, comme celui qui avait pris pour cible, en avril 2002, la synagogue de Djerba, au sud du pays, faisant une quinzaine de morts, en majorité des touristes européens. Mais, ç’aurait bien pu en être un, tant il ressemble, dans la manière dont il a été exécuté, à un acte terroriste. La tentative de suicide déguisée en attentat qui avait pris pour cible, dans la nuit du 29 et au 30 septembre, le siège de l’ambassade américaine à Tunis, l’un des bâtiments les mieux gardés dans le pays, démontre, s’il en était besoin, que les dispositions sécuritaires les plus draconiennes ne sauraient constituer un obstacle insurmontable pour une personne décidée à aller jusqu’au bout de ses intentions.
Le 29 septembre, vers minuit, un individu fonce avec sa voiture contre la façade de l’ambassade des États-Unis. Celle-ci, inaugurée en décembre 2002, est constituée d’un ensemble de bâtiments imposants construits sur un vaste terrain en retrait de la route reliant le centre de la capitale à La Marsa, dans la banlieue Nord. L’assaillant parvient à percuter de plein fouet le mur de clôture, sans que les agents de sécurité en faction à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment aient le temps de réagir. Le conducteur, légèrement blessé, trouve la force de mettre le feu à une bonbonne de gaz propane qu’il transportait sur le siège passager. L’engin n’explose pas, mais la voiture s’enflamme, sans causer de dommages au mur de l’ambassade. Car, arrivés entre-temps sur les lieux, les agents de sécurité parviennent à maîtriser le conducteur, à l’extraire du véhicule et à éteindre le feu. Conduit à l’hôpital le plus proche, ce dernier, pleinement conscient de son acte, ne se fait pas prier pour passer aux aveux.
Nabil Ben Jaballah, 39 ans, est entré illégalement aux États-Unis en 1997 à partir du Canada. Il s’est installé à Boston où il a fait la connaissance de Denise Aikens-Young, qui va devenir son épouse. Refoulé vers la Tunisie après les attentats du 11 septembre 2001, à l’instar de milliers d’autres ressortissants arabes en situation irrégulière, il a fait plusieurs tentatives pour régulariser sa situation. En vain. Ses demandes de visa ont toutes été rejetées par le service de l’immigration américain. Devant ces refus successifs, la compagne américaine a été contrainte de faire le voyage à Tunis dans l’espoir d’aider à débloquer la situation, mais elle a dû rentrer bredouille à Boston au bout de quelques semaines.
Ben Jaballah a sombré dans la dépression et a même suivi un traitement psychiatrique. Il aurait déjà tenté, une semaine avant son geste fou, de mettre fin à ses jours. Et c’est après une discussion téléphonique avec son épouse qu’il a décidé de se lancer contre le siège de la représentation américaine. Désespoir ? Rancoeur ? Désir de vengeance ? L’acte de Nabil Ben Jaballah, qui est dicté par un fort ressentiment, n’a apparemment aucune motivation politique. L’intéressé a déclaré avoir voulu se suicider pour n’avoir pas pu obtenir un visa qui lui aurait permis de rejoindre son épouse.
Cette explication, qui semble avoir été admise par les autorités tunisiennes, a été avalisée par leurs homologues américaines. « Cet individu était bouleversé par la non-obtention d’un visa immigrant suite à un séjour prolongé et illégal aux États-Unis d’Amérique », a déclaré l’ambassade américaine dans un communiqué adressé, au lendemain de l’attentat manqué, à la presse locale.
L’incident est cependant loin d’être clos. Car il met de nouveau sur la table la question de la sécurité des représentations diplomatiques américaines (et autres) à travers le monde.

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