Entendu dans les coulisses

Publié le 6 octobre 2003 Lecture : 4 minutes.

Sur leur faim
C’est peu dire que la réception offerte au soir du premier jour des débats par le Premier ministre Koizumi a laissé les chefs d’État africains sur leur faim. Au lieu du dîner attendu, les invités se sont vu proposer un buffet. « C’était bizarre, raconte un proche collaborateur d’un dirigeant d’Afrique centrale. Rien n’avait été prévu pour s’asseoir. Le président n’allait quand même pas manger debout. Alors il a préféré s’abstenir de manger, et il a pris son repas dans sa suite, en rentrant dans sa chambre… »

Et le coton ?
Le Malien ATT, le Béninois Kérékou et le Burkinabè Compaoré étaient déçus que la conférence ne prenne aucun engagement sur le coton et les subventions. Côté japonais, on s’est borné à leur indiquer que la Ticad était seulement un forum élargi et pas une instance de décision.

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Surprise à la française
La surprise est venue de l’annonce faite par la France de l’organisation d’une conférence internationale sur le Nepad, à Paris, le 10 novembre. La plupart des pays africains n’étaient pas au courant, non plus que le PNUD, dont l’administrateur Mark Malloch Brown a appris la nouvelle… après la clôture de la conférence. Du côté de l’Union africaine, Joaquim Chissano – le président en exercice de l’UA – n’a été informé qu’au deuxième jour de la Ticad. Enfin, c’est Michel Camdessus – conseiller Nepad de Chirac – qui a informé le secrétaire du Nepad, le Sud-Africain Wiseman Nkhulu, des objectifs de cette conférence, deux heures seulement avant de prendre l’avion pour Paris…

Frères ennemis
Lors du déjeuner offert par le Premier ministre japonais, Junichiro Koizumi, le jour de l’ouverture de la conférence, un seul chef d’État était absent : l’Érythréen Issayas Afewerki. Furieux de voir que son frère ennemi, l’Éthiopien Mélès Zenawi, était déjà installé, il a fait demi-tour et est parti manger dans un restaurant public où il a réglé sa note cash.

Médiateurs
Les présidents Wade et Chissano ont engagé une médiation pour obtenir que le Japon renoue avec la Centrafrique. Les Japonais, furieux de voir deux de leurs entreprises pillées lors des événements qui ont secoué Bangui au début de l’année, avaient suspendu leur coopération. Venue dans la délégation conduite par Wade, l’ambassadrice centrafricaine à Dakar, Marie-Reine Hassen, est repartie avec des promesses vagues, car Tokyo veut au préalable que la situation politique soit durablement normalisée et attend des élections.

Une Japonaise très sollicitée
Sadako Ogatha a été la personne la plus sollicitée de la conférence et elle a quasiment rencontré, à leur demande et dans son bureau, la quasi-totalité des chefs d’État présents. Il est vrai que, le 1er octobre, elle a pris les rênes de la très riche agence de coopération japonaise (JICA), qui gère plus de 5 milliards de dollars de concours par an. Obasanjo lui a demandé de financer un projet d’électrification rurale, Chissano voulait un ferry pour désenclaver une région, et Sassou Nguesso lui a parlé d’un projet routier inachevé. Le plus surprenant a été le Djiboutien Guelleh, qui est venu remettre une haute distinction nationale à Ogatha, qui a failli la refuser avant de lui lancer un cinglant : « What about the people ? » Une allusion aux 70 000 étrangers brutalement expulsés de Djibouti le mois dernier.

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Délégations pléthoriques
Les organisateurs japonais ont été ahuris quand ils ont vu la liste des membres des délégations. Alors que les trois pays du Maghreb s’étaient contentés de 5 à 7 personnes, la délégation camerounaise en comptait plus de 50, et celle du Gabon, plus de 80, selon une source japonaise. Du jamais vu ! Que les Gabonais justifient par la visite que devait effectuer en Malaisie et en Thaïlande Omar Bongo après la clôture de la Ticad.

Globe-trotters
La plupart des délégations ont eu du mal à trouver des vols directs vers le pays, car Japan Airlines (JAL) ne dessert tout simplement pas l’Afrique. Certains ont transité par Paris (cas de Wade) et d’autres par Londres. Chissano a dû aller à Hong Kong sur JAL pour prendre un vol de South African Airways vers Jo’burg, avant de rentrer à Maputo sur LAM, la compagnie nationale. Museveni est pour sa part reparti vers Bangkok sur Northwest Airlines où il devait prendre un vol Emirates pour Nairobi puis Kenya Airways pour rentrer à Kampala. Soit plus de vingt-deux heures chacun.

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Lune de miel
Alors que le Camerounais Biya est quasiment resté seul tout au long de la conférence, les présidents Compaoré et Nguesso se sont vus à plusieurs reprises et ont multiplié les tête-à-tête avec leurs pairs. Compaoré, qui a quitté Tokyo pour se rendre New York, devait à nouveau plaider la cause africaine (les subventions agricoles) devant l’Assemblée générale des Nations unies.

Lapsus
Invité à clôturer les travaux au nom des délégués africains, le chef de l’État gabonais a commis un gros lapsus, que l’assistance a eu le bon goût de ne pas relever : il a remercié le « président » du Japon pour l’organisation de la conférence.

Rendez-vous en 2008
Nombre de délégations africaines avaient officiellement demandé que la périodicité de la Ticad soit revue afin que les réunions se tiennent tous les deux ou trois ans (au lieu de cinq actuellement). Non seulement ils n’ont pas été suivis par les Japonais, mais le président de la Ticad III, l’ancien Premier ministre Yoshiro Mori, a parlé à trois reprises d’une… « éventuelle Ticad IV en 2008 » !

Pluie de dollars
Après avoir obtenu 1 million de dollars du PNUD pour sa communication, le secrétariat du Nepad, que les Sud-Africains contrôlent (encore) très vigoureusement, a obtenu 500 000 dollars de la Belgique. Ce qui a fait hurler certaines délégations, notamment ouest-africaines, qui aimeraient bien savoir quand le fonctionnement du Nepad sera clarifié et quand son secrétariat sera intégré à la Commission de l’Union africaine…

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