A la recherche des Irakiens disparus…

Publié le 6 octobre 2003 Lecture : 2 minutes.

Dimanche 3 août 2003, 2 h 30 du matin. La maison de Najim Abdelhussein, un épicier irakien du quartier d’Al-Khadria, à Bagdad, est encerclée par des soldats américains. Ils défoncent la porte et ordonnent à son épouse et à ses quatre enfants de sortir. Après une fouille minutieuse, ils trouvent un petit sachet en plastique contenant de la poudre chimique et de la cire. Najim leur explique que ces produits servent simplement à produire de l’hélium pour gonfler des ballons et que son épicerie les vend à l’occasion de fêtes religieuses. En vain. Il est arrêté avec son fils aîné, Koutaibah, 17 ans. Affolée, son épouse Jinan part à leur recherche…
Accompagnée de l’une de ses filles, elle se rend au commissariat le plus proche. Un policier irakien reconnaît qu’il ne dispose d’aucun renseignement sur le sort des personnes arrêtées par les GI’s. Devant le désespoir de Jinan et de sa fille, le sergent Alan George, un sous-officier américain chargé des relations avec la population civile, tente de lui venir en aide : il consigne sur un formulaire des informations sur les deux disparus, promet de lancer des recherches et demande à la famille de revenir quelques jours plus tard. Après de nombreuses visites, le sergent dira à Jinan qu’il est incapable de retrouver la trace de Najim et de Koutaibah. Il lui conseille d’attendre encore en précisant que les chances sont minimes : « Pas plus de 10 % des familles finissent par savoir où se trouvent leurs proches arrêtés. »
Loin de se résigner, Jinan décide de se rendre au camp militaire américain de Red Falcone, situé non loin de son quartier. Une fois encore, elle déchantera. Un soldat de garde l’informe que le camp n’est rien de plus qu’un lieu de transit pour les détenus. Il lui suggère de se rendre au Centre d’information de la Coalition.
Après avoir visité les hôpitaux et morgues de la ville, Firas et Shahed, le beau-frère et la fille de Najim, se rendent au Centre d’information. En arrivant sur les lieux, ils découvrent une foule agglutinée devant une clôture barbelée. Comme eux, quelque cinquante familles espèrent retrouver la trace de leurs proches. Après quatre heures d’attente sous un soleil de plomb, Firas et Shahed sont reçus par un commandant américain. Ce dernier introduit dans son ordinateur portable les noms de Najim et de Koutaibah Abdelhussein. Aucune trace.
La famille Abdelhussein multiplie les démarches. Ni l’avocat irakien auquel elle fait appel, ni le bureau du Comité international de la Croix-Rouge ne sont en mesure de lui fournir la moindre information. La mauvaise nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans le quartier d’Al-Khadria. L’angoisse et la frustration alimentent la rancoeur et la colère. « Les Américains nous traitent tous en ennemis », conclut un voisin de la famille Abdelhussein. « Ils s’étonnent ensuite que de plus en plus d’Irakiens se mettent à les haïr, puis à leur résister. Ils ne nous apportent ni la liberté ni la démocratie. Pourquoi devrions-nous les aider ? » renchérit un autre.
Les détentions préventives se comptent aujourd’hui encore par milliers. Tout Irakien vaguement suspect court le risque d’être arrêté. Commence alors pour lui une pénible et incertaine période de captivité au cours de laquelle il sera, bien souvent, trimballé d’un camp à un autre. Sans que sa famille, livrée à elle-même, ne soit tenue au courant.

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