Vos lettres et emails sélectionnés

Publié le 7 septembre 2004 Lecture : 5 minutes.

L’Algérie est en Afrique
Malheureusement, les faits, les attitudes, les mots (« kahlouche », « nigrou », « batata », etc.) des Maghrébins à l’égard des Noirs que vous rapportez sont exacts [voir nos enquêtes : J.A.I. nos 2266, 2270, 2274]. Et il faut bien reconnaître que peu de mes compatriotes d’Algérie, toujours prompts à dénoncer le racisme des Européens envers les Algériens, sont choqués par ces attitudes. Moi-même algérien, je vis depuis quarante ans en France. Quand je retourne au pays et que j’entends les réflexions de certains, cela me met en colère et me peine pour mes amis ivoiriens, comoriens et sénégalais en France. Les pires clichés circulent sur les Africains, et beaucoup d’Algériens n’ont pas encore compris que l’Algérie était en Afrique.

L’écologie contre la pauvreté
En Afrique, en raison d’une faible industrialisation, nous avons la grande chance de jouir d’un capital environnemental dont la plupart des continents ne disposent plus. Mais le poumon écologique du monde qu’est l’Afrique pourrait être mieux protégé par la lutte contre la déforestation et par l’amélioration de la salubrité de nos villes. À l’aube du xxie siècle, l’immense majorité des Africains n’a pas accès à l’eau potable et ne dispose pas de systèmes d’évacuation des eaux usées. Les pathologies endémiques qui font le plus de ravage (paludisme, diarrhées, fièvre typhoïde) sont toutes liées à un environnement insalubre. On ne le dira jamais assez : la lutte contre la pauvreté reste d’abord une lutte pour préserver l’environnement. Que les Africains le comprennent : pour assainir, il faut respecter l’environnement. Il va sans dire qu’une vraie politique urbaine associant populations et décideurs au niveau des collectivités locales est indispensable.

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UA : lentement mais sûrement
Le dernier sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba a laissé aux jeunes Africains comme moi un sentiment de fierté et d’espoir. Les chefs d’État sont venus en masse, des vérités ont été dites et des canevas de sortie de crise (politique, économique et sociale) ont été élaborés. Certes, des problèmes subsistent, mais ne baissons pas les bras. Le train de l’Union est prêt à prendre le départ et la jeunesse africaine ne pardonnera pas à un dirigeant d’être en retard. Méditons cette phrase de Mark Twain : « On ne se débarrasse pas d’une habitude en la flanquant par la fenêtre, il faut lui faire descendre l’escalier marche après marche. »

L’ignorance, mère de tous les maux
L’attitude des Marocains envers les Noirs est surtout due à l’ignorance. À la fac, mes camarades me demandent si chez moi il y a des avions, des voitures, la télé, etc.

Côte d’Ivoire : le prix de la paix
J’ai du mal à faire comprendre à mes frères ivoiriens que la paix a un prix. Quel que soit notre bord politique, social ou régional, tant que nous n’accepterons pas d’en payer le prix, la paix sera une vue de l’esprit.

« Sale Blanc ! »
J’ai été surpris à la lecture de l’article sur le racisme en Algérie (J.A.I. n° 2274). Permettez-moi de partager avec vous mon expérience personnelle sans pour autant entrer dans les détails. Je suis étudiant blanc dans une université noire, en Afrique anglophone. Je représente moins de 0,1 % des effectifs de cette institution, et mon sort n’est pas plus enviable que celui des étudiants africains en Algérie. Chaque matin est une épreuve, avec la crainte d’être à nouveau victime d’une insulte ou d’une agression gratuite. Les nombreuses remarques du genre « Eh toi sale Blanc, retourne chez toi au lieu de polluer notre atmosphère ! » ne se comptent même plus. En ville, c’est encore pire : crachats et brimades en tout genre font partie de mon quotidien. Vous résumez vos observations sur l’Algérie à quelques intervenants, victimes de xénophobie notoire. Chacun pourrait suivre vos pas et dire que tous les Français sont racistes et les Italiens mafieux. Votre critique devrait davantage s’axer sur la remise en cause d’un système fondé sur la défense de la culture et non sur le racisme. Dans toutes les cultures arabo-musulmanes et africaines, par exemple, on refuse qu’un étranger, quel qu’il soit, courtise nos filles.

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Pas d’accord avec Sachs
À la lecture de l’article de Jeffrey Sachs (J.A.I. n° 2271, pp. 68-73), on se demande pourquoi il y a encore des gens pauvres sur notre planète ! Non, « tout homme raisonnable », comme vous dites, ne doit pas gober les belles paroles de Sachs. Le premier paragraphe place d’emblée son propos dans le cadre de la « sécurité mondiale », de la lutte antiterroriste puis de la découverte de pétrole et de gaz en Afrique, qui « pourrait fournir, dans les dix ans, 25 % des importations d’hydrocarbures » des États-Unis. Il poursuit en évoquant les pays africains qui coopèrent avec les États-Unis « pour combattre la menace terroriste » (comme par hasard, ces mêmes pays sont gratifiés de « bonne gouvernance »). L’objectif n’est donc pas le développement de l’Afrique, mais la sécurité des approvisionnements des États-Unis. Sachs ne s’oppose à la politique de George W. Bush que sur les moyens et non sur la finalité de l’aide à l’Afrique, c’est-à-dire la soumission du continent à la Banque mondiale et son intégration dans les rouages du libéralisme. Ce que veulent les États-Unis, c’est que le continent africain participe à la croissance américaine. Le cycle de l’exploitation doit se poursuivre ; après la traite et la colonisation, le pillage à grande échelle, qui permettra par la même occasion d’éliminer les exploiteurs concurrents (comme la France). L’aide a pour but de limiter la pauvreté absolue pour éviter des troubles politiques et sociaux qui viendraient perturber l’objectif essentiel.

Gare aux amalgames !
On parle beaucoup, en France, de l’augmentation des agressions antisémites. Il est vrai que de nombreux jeunes sont exaspérés par la politique de l’État hébreu dans les Territoires occupés. Il en résulte un amalgame entre extrémistes sionistes et juifs. Beaucoup ne comprennent pas que nombre de juifs désapprouvent la politique d’Israël et souhaitent une Palestine libre et indépendante. Combattre la politique belliqueuse d’Israël ne saurait se confondre avec des attaques contre les juifs. Il faut lutter contre toutes les formes de racisme.

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J.O. : solidarité africaine
Le sport réconcilie les peuples. On le savait déjà. Et ce qui s’est passé entre les athlètes africains au pays des dieux grecs l’a confirmé. On se rappelle encore de l’image, qui a fait le tour du monde, de la Blanche sud-africaine dans les bras d’une Noire éthiopienne après l’épreuve du 5 000 mètres aux J.O. d’Atlanta en 1996. À Athènes, on a pu voir les coureurs kényans tomber dans les bras du champion marocain Hicham El Guerrouj, vainqueur du 1 500 mètres. Les déclarations du Kényan Bernard Lagat, deuxième de l’épreuve, ont ému les téléspectateurs : « Cette médaille d’argent me comble autant que le fait que l’or revienne à Hicham. À la fin de la course, j’avais presque envie de le pousser pour qu’il aille chercher cette médaille d’or. » C’est cette solidarité sportive africaine qu’on aimerait voir aussi sur le plan politique.

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