Ne pas s’endormir sur ses lauriers

Publié le 7 septembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Les performances économiques et sociales de la Tunisie sont indéniables. La compétitivité de plusieurs de ses produits est impressionnante. Des experts indépendants et des institutions aussi crédibles que la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), la Banque mondiale et l’Union européenne ne tarissent pas d’éloges pour ce pays émergent qui arrive à tirer son épingle du jeu sur la scène internationale.
Toutefois, la Tunisie, qui a le devoir d’aspirer à l’excellence, se doit d’être un peu plus modeste quant à la célébration de ses réalisations. Ainsi que plus ambitieuse et surtout plus entreprenante à l’égard des défis qu’elle doit relever. Le pays a encore du « pain sur la planche » pour tirer un meilleur profit de ses atouts économiques.
La croissance annuelle est restée légèrement en dessous de 5 %, en moyenne, au cours de la décennie 1990-2000, à un niveau similaire à celui du Maroc et de la Jordanie. Ce taux est certes meilleur que celui enregistré au cours des décennies précédentes. Mais il n’a pas été suffisant pour réduire sensiblement le chômage (qui concerne environ 15 % de la population active), particulièrement celui des jeunes diplômés. Il demeure surtout en deçà des 7 % à 8 % requis pour rattraper, à plus long terme, le niveau actuel de pays de l’Union européenne comme la Grèce ou le Portugal.

S’agissant des investissements, clés de la croissance, la situation est également problématique. Les investissements du secteur privé demeurent bas : la formation brute de capital a représenté en moyenne 13,5 % du PIB sur la période 1997-2001.
Bien que les investissements directs étrangers (IDE) se soient diversifiés, notamment dans le secteur textile, et bien qu’ils aient progressé au cours des dernières années, ils ne dépassent pas – si l’on excepte les opérations de privatisation – plus de 200 millions d’euros par an. Pour un pays présentant de tels avantages dans le bassin sud de la Méditerranée, ce n’est pas suffisant. Un débat est nécessaire pour améliorer la participation des entreprises étrangères dans l’économie nationale.
Autre thème qui mérite réflexion, le rythme des réformes. Jusque-là, le gouvernement, fidèle à son style, a adopté une approche graduelle, pour éviter, dit-il, tout dérapage. Cette étape passée, doit-il rester aussi prudent ? La question se pose d’autant plus sérieusement que l’économie du pays est confrontée au démantèlement des mécanismes de protection de ses filières. Pour le textile, l’accord multifibre expirera le 1er janvier 2005. Et, d’ici à 2008, c’est l’ensemble des activités qui seront confrontées à la levée des barrières douanières dans le cadre de la zone de libre-échange avec l’Union européenne. La Tunisie est donc condamnée à accélérer ses réformes pour faire face à la concurrence des autres pays, l’économie du pays étant orientée vers l’export en raison de l’étroitesse de son marché local.

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De fait, les nouvelles règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) permettent aux produits des pays d’Asie (et notamment de la Chine) d’avoir un accès plus facile au marché européen. L’immensité de leurs marchés intérieurs et leurs avantages comparatifs (main-d’oeuvre et coûts de production) en font également des sites concurrents de la Tunisie pour les délocalisations. La compétition va donc s’accélérer et se durcir. La Tunisie n’a d’autre choix que d’améliorer sa compétitivité et son environnement économique pour élargir ses marchés extérieurs et attirer davantage d’investisseurs. L’accord d’association avec l’Union européenne et les accords de libre-échange avec les partenaires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, bien que sources d’inquiétude, devraient constituer des défis stimulants pour les opérateurs économiques et pour le gouvernement tunisien. Pour tous, il s’agit d’assimiler les règles de fonctionnement de marchés ouverts sur le monde et de savoir en tirer avantage. Pour tous, encore, il est impératif de ne pas s’endormir sur ses lauriers. Car rien n’est définitivement acquis, et le plus dur reste à faire.

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