Mandela dans la ligne de mire

L’écrivain suédois Henning Mankell imagine un complot visant à éliminer le chef de l’ANC en 1992. Haletant.

Publié le 7 septembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Imaginez un instant… Nous sommes en juin 1992, au Cap, en Afrique du Sud. Dans le Green Point Stadium, Nelson Mandela monte à la tribune pour y prononcer un discours. Il est libre depuis seulement deux ans, mais déjà les négociations vont bon train avec De Klerk pour en finir avec l’apartheid. Bientôt, il va s’adresser aux milliers de personnes qui l’acclament. À 700 mètres de là, en haut de la colline de Signal Hill qui surplombe le stade, un homme épaule un fusil à longue portée et met en joue le leader noir… Si la balle atteint sa cible, les négociations prendront fin, l’Afrique du Sud sera livrée au chaos. Car le tueur à gages est noir. Si Mandela tombe, l’ANC soupçonnera l’Inkhata et les heurts se multiplieront pour se terminer dans un bain de sang. Qui en tirera profit ? Les extrémistes blancs, nostalgiques d’un régime où tous les privilèges leur étaient acquis, bien sûr !
Voilà le point de départ de La Lionne blanche, roman policier du Suédois Henning Mankell tout juste traduit en français. On y retrouve le personnage de Kurt Wallander, quinquagénaire dépressif aux prises avec une enquête qui lui échappe. Il faut dire que les choses sont loin d’être simples. À proximité de la petite ville d’Ystad, en Suède, une femme méthodiste et sans histoire a été sauvagement assassinée d’une balle dans la tête, puis jetée au fond d’un puits. Qui pouvait en vouloir à cette paisible mère de famille ? Et pourquoi retrouve-t-on, non loin de son corps, le doigt d’un homme noir enterré dans le jardin ? L’intrigue a de quoi rendre fou non seulement Kurt Wallander, mais aussi le lecteur, qui se retrouve trimballé sans ménagements de Stockholm à Pretoria, d’une société blanche en quête de sens à un monde violent où des hommes se battent pour faire reconnaître leurs droits les plus élémentaires.
Ces deux mondes qui s’ignorent, l’auteur des Chiens de Riga, des Morts de la Saint-Jean et de La Cinquième Femme les connaît bien. Et pour cause : Henning Mankell partage son temps entre son pays, la Suède, et le Mozambique où, depuis plus de quinze ans, il dirige la seule troupe professionnelle de théâtre, Mutumbela Gogo. Un goût pour l’Afrique qui ne date pas d’hier. Né le 3 février 1948 dans la province d’Härjedalen, Henning Mankel a vécu entre Sveg et Borås, abandonné par sa mère, élevé par un père juge d’instance, initié à l’écriture dès l’âge de 6 ans par sa grand-mère, enchanté par Robinson Crusoé et L’île au trésor. S’il a d’abord voyagé en France, c’est en Guinée-Bissau, à 24 ans, qu’il a pour la première fois « eu l’impression d’être chez lui ». Depuis, en Zambie ou au Mozambique, il passe l’Europe au crible de l’Afrique. Metteur en scène et romancier prolifique, il écrit aussi bien pour les enfants (Le Secret du feu) que pour les adultes, du théâtre comme du roman. Ce sont pourtant ses polars et leur héros récurrent, Kurt Wallander, qui lui ont apporté une reconnaissance internationale. Traduites en vingt-sept langues, les aventures du Suédois séduisent un public de plus en plus large. Comme Hieronymus Bosch, le personnage récurrent du romancier américain Michael Connelly (Les Égouts de Los Angeles, Le Poète, etc.), Wallander prend de l’épaisseur avec chaque aventure. Aux prises avec un monde complexe, les policiers d’aujourd’hui ne sont plus des héros sans failles, mais simplement des hommes investis d’une mission et prêts à franchir la frontière entre le bien et le mal pour la mener à bout.
Vous savez déjà qu’en 1992, Nelson Mandela n’a pas été assassiné. Mais aucun doute, vous tremblerez quand même pour lui jusqu’à la dernière page de La Lionne blanche.

La Lionne blanche, Henning Mankell, Seuil, 434 p., 20 euros.

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