Lahoud, candidat de Damas

Publié le 7 septembre 2004 Lecture : 2 minutes.

« Peu importe qu’un président soit patriote et prévenant : la multiplication des mandats présidentiels a fait plus de mal que de bien aux Arabes. Il est donc urgent […] de trouver une alternative à la traditionnelle présidence à vie », écrit Rami Khouri dans le Daily Star du 4 août. Et le directeur de ce quotidien libanais propose une solution : fixer « une limite de quatre mandats consécutifs, ou vingt-cinq ans de règne ininterrompu ».

Une offre aussi généreuse ferait l’affaire de nombreux chefs d’État de la région peu pressés de passer le témoin. Celle du président libanais Émile Lahoud, par exemple. Dernier venu au club des potentats arabes – il est en fonction depuis six ans : bien peu comparé aux trente-cinq années de pouvoir du Libyen Mouammar Kadhafi ou aux vingt-trois ans de l’Égyptien Hosni Moubarak -, Lahoud pourrait donc briguer sinon un second mandat de six ans – ce que la Constitution lui interdit -, du moins une prolongation de trois ans de son mandat actuel, qui doit s’achever le 23 novembre prochain.
Cet ancien chef d’état-major de l’armée libanaise, prosyrien notoire, avait été porté à la présidence en 1998, après l’adoption d’un amendement constitutionnel inspiré par Damas – la Loi fondamentale libanaise interdisait auparavant aux militaires d’accéder à la magistrature suprême. Au vu de « la situation exceptionnelle et délicate » que traverse le Proche-Orient, Lahoud estime aujourd’hui que sa présence est plus que jamais indispensable. Il a annoncé, le 25 août, qu’il était candidat à sa propre succession. L’annonce a suscité une vive polémique, pour trois raisons. D’abord, parce que la Constitution libanaise limite le nombre de mandats présidentiels à un seul, non renouvelable. Ensuite, parce que la plupart des Libanais aspirent à un changement à la tête de l’État et souhaitent la fin de la domination syrienne (Damas maintient quelque 20 000 soldats au Liban depuis 1976). Enfin, parce que pour pouvoir jouer les prolongations, le président sortant devra solliciter un nouvel amendement constitutionnel et le plébiscite des deux tiers des parlementaires. De nombreuses personnalités chrétiennes, sunnites et druzes s’y opposent fermement. De même que les États-Unis et la France, qui ont fait voter, le 3 septembre, aux Nations unies, par 9 voix sur 15 (et 6 abstentions), une résolution appelant à un retrait immédiat de toutes les forces étrangères (entendez : syriennes) du Liban. La résolution insiste pour que l’élection présidentielle soit « libre, équitable, conforme aux règles constitutionnelles libanaises établies sans interférence étrangère ».

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Or, en entérinant, le 28 août, en une vingtaine de minutes et presque sans discussions, par 23 voix contre 3 (et 4 abstentions), le projet d’amendement constitutionnel suggéré par la Syrie, visant à prolonger de trois ans le mandat de Lahoud, le gouvernement libanais a montré, encore une fois, sa soumission aux diktats de Damas. Pis : certains de ses membres, hier hostiles à l’amendement, comme le Premier ministre Rafic Hariri, ont fini par l’accepter sous la pression syrienne. « Un pistolet sur la tempe », commente l’un de ses proches…
L’amendement devrait entrer en vigueur après son approbation par une majorité des deux tiers des 128 parlementaires réunis en session extraordinaire le 3 août. Au moment où nous mettions sous presse, l’issue du vote ne faisait guère de doute. Une trentaine de députés seulement avaient exprimé leur intention de voter contre.

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