Hicham, Kenenisa, Françoise et les autres

Confirmation en athlétisme, grosse désillusion en football, progrès insuffisants dans les autres disciplines Les performances africaines aux XXVIIIes Olympiades, malgré quelques gros coups d’éclat, laissent encore à désirer. Revue de détail.

Publié le 7 septembre 2004 Lecture : 5 minutes.

La nuit était tombée sur le stade olympique d’Athènes lorsque Lamine Diack, président de la Fédération internationale d’athlétisme (FIAA), se dirigea vers le podium pour accrocher autour du cou de l’Italien Stefano Baldini, vainqueur du marathon messieurs, l’ultime médaille d’or des XXVIIIes jeux Olympiques. Alors que la flamme d’Athènes 2004 s’éteignait, le Sénégalais, qui avait dirigé la Confédération africaine d’athlétisme (CAA) de 1973 à 2003, ne pouvait qu’afficher un sourire de circonstance, le bilan des athlètes africains n’incitant guère à l’euphorie.
En septembre 2000, sur le tartan australien, Éthiopiens, Kényans, Algériens et Marocains avaient raflé 23 médailles et dominé le reste du monde dans les épreuves de fond et de demi-fond, du 800 m au marathon. Cette fois, la moisson fut plus maigre. Chez les messieurs, seuls le Marocain Hicham El Guerrouj, le Kényan Ezekiel Kemboi et l’Éthiopien Kenenisa Bekele ont récolté de l’or, respectivement sur 1 500 m et 5 000 m, 3 000 m steeple et 10 000 m. Chez les dames, une seule victoire, celle de l’Éthiopienne Meserat Defar au 5 000 m. Au total, les coureurs africains auront récolté 21 médailles (5 en or, 9 en argent et 7 en bronze).
Depuis 1960, 90 % des médaillés africains sont des « fondeurs » ou des « demi-fondeurs ». Du légendaire marathonien Abebe Bikila à son compatriote Kenenisa Bekele. Confirmation sur le tartan d’Athènes, même s’il y a eu, au plan du palmarès, stagnation, voire recul. Deux têtes couronnées à Sydney, l’Éthiopien Haïlé Gébréselassié et la Mozambicaine Maria Mutola, ont été détrônées par de jeunes rivaux. L’armada kényane – désunie et déstabilisée par les conflits d’intérêt et les naturalisations abusives – n’a pas relevé le défi : si elle a conservé la haute main sur le 3 000 m steeple, elle s’est contentée des seconds rôles sur toutes les autres distances.
Sud-Africains, Nigérians et Égyptiens, grands triomphateurs en octobre 2003 des VIIIes jeux Panafricains d’Abuja, ont quitté le stade olympique sans gloire : du bronze pour les relayeurs nigérians (4×100 m et 4×400), de l’argent pour les Sud-Africains Hestrie Cloete (saut en hauteur dames) et Mbulaeni Mulaudzi (800 m messieurs) et rien du tout pour les Pharaons. Satisfaction en revanche pour la vice-championne du monde 2003 du triple saut, la Camerounaise Françoise Mbango Etone (28 ans), qui décroche l’or avec un bond de 15,30 m.
Si Lamine Diack a de quoi faire la moue, l’Algérien Mustapha Larfaoui, président de la Fédération internationale de natation (Fina) depuis 1988, a quelque raison de sourire : les nageurs d’Afrique australe ont pêché six médailles dans le grand bassin d’Athènes. La Zimbabwéenne Kirsty Coventry (19 ans) en a gagné trois : de l’or au 200 m dos, de l’argent au 100 m dos et du bronze au 200 m quatre nages ; le Sud-Africain Ronald Schoeman trois : il a fini deuxième au 100 m nage libre et troisième au 50 m, et a triomphé avec ses compatriotes au relais 4×100 m nage par équipe, battant au passage le record du monde. De retour à Harare, Kirsty Coventry a reçu un double cadeau : une voiture et 15 000 dollars américains.
Pour autant, la miraculeuse « pêche » hellène ne peut occulter la réalité de la natation sur le continent : en Afrique australe, les piscines sont ouvertes à tous, mais elles n’accueillent que les Blancs. En Afrique du Nord, elles existent en nombre, mais ne peuvent pas répondre à la forte demande : la plupart d’entre elles appartiennent aux établissements hôteliers et ne sont pas homologuées. Ailleurs, c’est la pénurie.
Le 30 septembre 2000, lors de la clôture des Jeux de Sydney, Issa Hayatou, l’inamovible président de la Confédération africaine de football (CAF), ne cachait pas son bonheur. Il venait de remettre, en compagnie de Joseph Blatter, président de la Fédération internationale de football (Fifa), la médaille d’or aux Lions indomptables du Cameroun, vainqueurs des Espagnols en finale du tournoi de football. C’était l’apothéose. D’autant qu’en 1996, à Atlanta, il avait déjà couronné les Super Eagles du Nigeria. Las ! Ce fut de son lit, à l’hôpital Evangelisto d’Athènes, où il a été opéré d’une rupture de tendon du quadriceps, que le Camerounais a suivi, à la télévision, la remise de la médaille d’or aux Argentins, vainqueurs en finale du Paraguay (1-0). Sur les quatre demi-finalistes, il n’y eut aucune équipe africaine. Seuls les Aigles du Mali ont réussi à atteindre les quarts de finale (0-1 contre l’Italie). Quant aux « Olympiques » ghanéens, marocains et tunisiens, ils sont restés en rade. Les footballeurs africains ont disputé 13 matchs, en ont remporté 4, perdu 4 et ont totalisé 5 nuls. Ils ont marqué 16 buts, en ont encaissé autant et sont repartis bredouilles. L’Argentine a, quant à elle, inscrit 17 buts sans en concéder un seul. Par rapport à Atlanta et à Sydney, le bilan chiffré des Africains en football est nettement à la baisse. Tout comme la qualité du jeu fourni sur les pelouses grecques. La régression technique gagne du terrain comme l’attestent, depuis 1995, les contre-performances des jeunes dans les championnats du monde des moins de 17 et 20 ans.
Dans les autres sports collectifs, et particulièrement le basket-ball et le handball, en dépit de réels progrès, les équipes africaines demeurent très éloignées du gotha mondial. Et le fossé, surtout en basket, n’est pas près d’être comblé.
En Grèce, les Africains ont été pratiquement inexistants dans toutes les disciplines qui exigent, outre des infrastructures sophistiquées (salles de gymnastique modernes, bassins pour l’aviron, pistes de cyclisme, parcours équestres…), une préparation intensive sur plusieurs années, un suivi médical, un matériel adapté, une sévère hygiène de vie et un statut d’athlète professionnel. Ils ont aussi presque disparu des rings malgré l’argent du poids superlourd égyptien Mohamed… Aly et le bronze de ses compatriotes, le lourd Mohamed el-Sayed et le mi-lourd Ahmed Ismaïl. La boxe, il est vrai, ne nourrit plus son homme et ne fait plus rêver les jeunes. À signaler deux accidents heureux sur le tatami olympique, l’or glané en… lutte gréco-romaine par l’Égyptien Ibrahim Karam (la première de l’Égypte depuis 1948) et le bronze décroché par son compatriote Tamer Bayoumi au taekwondo.
Pour le sport africain, l’examen olympique fut impitoyable. Il en a révélé les quelques forces, mais aussi et surtout toutes les faiblesses. Le constat interpelle les quinze honorables membres africains qui siègent au Comité international olympique (CIO). Qu’ont-ils accompli depuis leur cooptation (certains y sont depuis vingt ans !) pour stimuler le progrès du sport en Afrique ? Ne se sont-ils pas contentés, une fois confortablement installés parmi les notables du château de Vidy, à Lausanne, de gérer leur situation de « rentiers » en observant de loin les errements des politiques sportives menées un peu partout sur le continent ?

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