Duel en noir et blanc

L’histoire des Springboks sud-africains et des All Blacks néo-zélandais sort en DVD. Pour les passionnés de rugby comme pour les néophytes.

Publié le 7 septembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Que ceux qui n’ont jamais entendu parler des Springboks ou des All Blacks se précipitent sur le DVD de la collection « Les Grands Duels du sport », édité par Arte Vidéo. Les fans de rugby comme ceux qui sont hermétiques aux subtilités du ballon ovale pourront apprécier les cinquante-deux minutes de documentaire que nous livre le réalisateur Larry Keating. Car, s’il s’agit bien de retracer la lutte historique entre deux des plus grandes équipes de rugby au monde – les Sud-Africains et les Néo-Zélandais -, le documentaire ne se limite pas à d’inoubliables mêlées ou à de non moins mémorables essais. Depuis la première rencontre entre Sud-Africains et Néo-Zélandais, en 1899, quand les Britanniques recrutaient des soldats dans tout l’Empire pour combattre les Boers, jusqu’à la Coupe du monde de 1995, en passant par la tournée choc des Springboks en Nouvelle-Zélande de 1956, c’est quasiment un siècle de relations d’amour-haine que l’on découvre. Une histoire rythmée par les témoignages des entraîneurs, des joueurs et d’un invité de marque : Nelson Mandela. « Le reproche que j’avais à faire au rugby, c’est que la majorité des joueurs étaient non seulement blancs, mais afrikaners », explique le premier président noir sud-africain de sa voix rauque. « J’étais conscient de l’impact du rugby en Afrique du Sud et dans le reste du monde. Le problème n’était pas de savoir si les joueurs étaient blancs ou noirs ou même s’ils étaient bons – et d’ailleurs les joueurs sud-africains ne nous ont pas attendus pour être bons. Mais il fallait dénoncer l’existence de l’apartheid dans le sport. » Cette ségrégation raciale a pendant des années envenimé les relations entre les deux pays. Jusqu’en 1970, l’amour de la compétition a poussé la direction des All Blacks à fermer les yeux sur l’apartheid imposé dans l’équipe sud-africaine et qui s’étendait aux équipes étrangères. Pour jouer en Afrique du Sud, l’équipe néo-zélandaise ne pouvait compter sur ses joueurs maoris. « Cela en dit long sur la place du rugby en Nouvelle-Zélande : pour jouer contre les Springboks, les gens étaient prêts à insulter le peuple maori », nous explique le réalisateur. Mais en 1970, le régime raciste a fait une exception. Quatre joueurs maoris ont été autorisés à se rendre en territoire sud-africain. Mandela, depuis sa prison de Robben Island, a dénoncé l’attitude des joueurs autochtones : « Je comprends qu’ils aient eu envie de venir jouer en Afrique du Sud, mais notre cause était supérieure. Nous voulions un boycottage total : aucune équipe de rugby en Afrique du Sud. Il fallait utiliser le sport pour obliger le gouvernement à abandonner l’apartheid. » Brian Williams, star néo-zélandaise du rugby, lui a répondu ainsi : « Je voulais venir pour montrer que des gens de couleur pouvaient être aussi forts, voire plus forts que les Blancs. » Un débat sans fin… Le vent a fini par tourner en faveur de Mandela. En 1981, lors d’une tournée des Springboks en Nouvelle-Zélande, les manifestations antiapartheid se sont multipliées et le mécontentement s’est fait entendre jusque dans le stade. Du jamais vu. À partir de 1986, le gouvernement néo-zélandais boycottant le régime raciste, l’équipe nationale n’a plus pu affronter son légendaire ennemi, et l’histoire s’est arrêtée. Jusqu’à cette Coupe du monde 1995, où les Springboks, blancs et noirs réunis, remportent le trophée à domicile. Mandela, autrefois si furieux contre les rugbymen, endosse alors avec fierté le maillot vert de l’équipe nationale et serre la main du capitaine. L’image fera le tour du monde et scellera, symboliquement, la naissance de la nation sportive Arc-en-Ciel.
Voilà un documentaire passionnant qui fait partie d’une série de quatorze grands duels historiques, à l’image de celui opposant les footballeurs du Real de Madrid à ceux du FC Barcelone, les judokas français et japonais, les motos Honda et Yamaha, ou encore les athlètes kényans et éthiopiens.

Les Grands Duels du sport. All Blacks-Springboks, Arte France, Ethan Productions, 20 euros, sortie en France le 21 septembre.

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