De la piste… aux étoiles
L’école de cirque de Sidi Moussa, près de Rabat, accueille des enfants des rues. Résultat : près de trois cents d’entre eux ont repris le chemin de l’école.
Séance d’entraînement sous le chapiteau de l’école de cirque de Sidi Moussa, près de Rabat. Imad s’élance, prend appui sur la poutre, virevolte, joue les funambules, exécute un saut périlleux arrière et retombe en équilibre parfait. Numéro réussi. Les yeux noirs du garçon pétillent de fierté. Imad, 13 ans, est l’un des nombreux jeunes pris en charge par l’Association marocaine d’aide aux enfants en situation précaire (Amesip), créée en 1996. Il y a à peine trois ans, il errait encore dans les rues de la capitale, mendiant quelques dirhams et sniffant de la colle. Aujourd’hui, c’est un élève acrobate prometteur et, depuis l’année dernière, il a réintégré le système scolaire classique. Il continue de suivre des cours de cirque dix heures par semaine à Sidi Moussa et espère, un jour, en faire son métier.
Le centre est situé à Salé, au bord de l’océan, dans une vieille casbah fortifiée, au bout d’une petite route de terre défoncée. Dans l’enceinte, se dresse le chapiteau. « Il a été monté en 1999, explique Touria Bouabid, présidente de l’Amesip. Ce sont les enfants qui l’ont voulu. Un jour, nous leur avons montré une série de documentaires télévisés sur des écoles à travers le monde. Ils ont été fascinés par une école de cirque créée par la fille d’Annie Fratellini [célèbre femme clown décédée en 1997, NDLR] pour les enfants des rues de Rio de Janeiro, au Brésil. » L’association prend alors contact avec la famille de l’artiste et, ensemble, ils décident de monter un projet au Maroc. Deux ans plus tard, l’école de Sidi Moussa ouvre ses portes.
Les cours sont assurés par des professeurs marocains formés par l’Académie Fratellini et, chaque mois, un formateur français vient passer une semaine au Maroc. Régulièrement, des jeunes de Sidi Moussa effectuent des stages en France.
Mais l’objectif n’est pas de transformer tous les gamins des rues en acrobates professionnels. « Le cirque est avant tout un outil ludique et pédagogique pour aider les enfants à se responsabiliser, à reprendre confiance en eux et dans les autres, explique Touria Bouabid. Il leur enseigne le travail, la rigueur ainsi que certaines notions de sécurité qu’ils ne connaissent pas, car dans la rue ils s’exposent à tous les dangers. Le cirque représente toutes les valeurs que l’Amesip souhaite transmettre aux enfants. »
Depuis 1999, ce sont près de trois cents enfants, âgés de 9 à 14 ans, qui ont repris le chemin de l’école après être passés par le centre de Sidi Moussa. La force de l’Amesip (qui finance ses activités grâce à des dons privés, au soutien des coopérations française, belge et canadienne et de certains ministères marocains, et à l’organisation d’événements ponctuels) est d’avoir su se doter de structures de qualité : des locaux en bon état et une équipe pédagogique compétente (soixante personnes). En plus du cirque, le centre de Sidi Moussa propose des cours de soutien scolaire, d’alphabétisation, de langues, de dessin, de photo, de théâtre, de danse, d’informatique…
Ce succès tient aussi à la démarche de l’association. « Nous ne faisons pas de charité, mais du développement durable, explique la présidente. Pour cela, il faut que les enfants soient les premiers acteurs de leur réadaptation et que les parents acceptent de jouer de nouveau leur rôle. » Une des premières tâches des éducateurs, après avoir approché les enfants lors de leurs tournées de rue quotidiennes, est de retrouver les parents. Une cellule d’écoute a été créée pour eux à Sidi Moussa. « La plupart des parents ont également besoin d’un soutien psychologique. Beaucoup sont alcooliques et drogués », confie Sadia Bouya, assistante sociale à Sidi Moussa. C’est également à cause de la drogue que certains enfants rechutent. C’est pourquoi l’Amesip a décidé de créer, en partenariat avec la wilaya de Rabat-Salé et l’Agence de développement social, un premier centre de désintoxication. Il devrait ouvrir ses portes à Ain Atiq, à quelques kilomètres de Rabat, d’ici à la fin octobre.
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