Coup d’État au Chili

Publié le 7 septembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Salvador Allende s’est-il donné la mort d’une rafale de fusil-mitrailleur dans la tête ? A-t-il été exécuté par l’un des militaires qui avaient pris d’assaut le palais de la Moneda ? L’autopsie pratiquée plus tard révélera que le président chilien s’est bien suicidé avec l’AK47 que lui avait offert Fidel Castro. Toujours est-il que c’est les armes à la main que le président chilien rend l’âme ce 11 septembre 1973, sa disparition sonnant le glas d’une expérience unique de socialisme démocratique en Amérique latine.
Le 4 septembre 1970, l’élection à la magistrature suprême du candidat de l’Unité populaire (UP), coalition regroupant notamment les socialistes, les communistes et les chrétiens de gauche, est saluée par un déferlement de joie dans les rues de Santiago. Très vite, le nouveau pouvoir met en oeuvre un ensemble de mesures audacieuses : augmentation de 35 % du salaire minimum, réforme agraire, politique de santé en faveur des couches défavorisées… Les premiers résultats sont encourageants : le chômage et l’inflation diminuent substantiellement, la production est multipliée par trois. Pour se donner les moyens de sa politique, le gouvernement nationalise l’industrie du cuivre, qui fournit au pays 80 % de ses recettes d’exportation.
Mais, à partir de 1972, après que le prix du cuivre eut chuté de moitié, l’économie sombre. La production minière s’effondre, l’inflation atteint 160 %, les produits alimentaires de première nécessité commencent à manquer. Dès décembre 1971, quelque 5 000 personnes, des femmes en majorité, avaient défilé dans les rues de la capitale pour protester contre le manque de nourriture. On avait alors parlé de « marche des casseroles vides ». Les grèves, bientôt, toucheront de nombreux secteurs d’activité. L’économie est au bord de l’asphyxie.
Sur le plan politique, la situation va se dégradant. La coalition qui a conduit Allende à la victoire est affaiblie par les dissensions. En face, la droite, qui n’a jamais admis sa défaite, attise le mécontentement de la population, aidée par une presse qui lui est largement acquise. L’Amérique de Richard Nixon, de son côté, fait tout ce qui est en son pouvoir pour affaiblir le pays : manipulation des prix du cuivre, refus de crédits… Sans compter les nombreux plans de déstabilisation politique.
Bien que la situation économique et sociale empire de jour en jour, la gauche remporte un beau succès aux législatives de mars 1973, obtenant 43,4 % des suffrages alors qu’Allende n’avait été élu en 1970 qu’avec 36,3 % des voix. Face à ce véritable vote de confiance, l’acharnement des adversaires d’Allende redouble d’intensité. Pour tenter de maîtriser une situation qui lui échappe, le président fait entrer plusieurs généraux dans son gouvernement. Le loup est dans la bergerie.
Le premier coup de semonce a lieu le 29 juin 1973, lorsqu’un régiment de blindés se soulève. La tentative de putsch menée par le leader d’un groupuscule fasciste échoue lamentablement. Mais un nouveau remaniement ministériel voit la mise à l’écart des généraux fidèles à Allende, notamment le général Carlos Prats, au profit d’officiers qui lui sont hostiles, parmi lesquels un certain Augusto Pinochet.
C’est au cours de manoeuvres communes avec la Navy américaine, le 9 septembre, qu’est fixée la date de l’offensive contre le pouvoir. Le 11 septembre, à 3 heures du matin, la ville portuaire de Valparaiso est aux mains des insurgés. Partout dans le pays, l’opération se déroule sans résistance. Sauf à Santiago. Aux environs de midi, trois chasseurs bombardent le palais présidentiel à coups de roquettes, avant que les chars passent à l’attaque. À 14 heures, la Moneda tombe.
Personne n’a oublié les images de la terrible répression qui s’ensuivra : les stades transformés en prison, les opposants martyrisés. Le bilan de l’ère Pinochet, entre 1973 et 1990, est très lourd : 3 000 morts ou disparus. Il est très vite apparu que les États-Unis, au nom de la lutte idéologique qui les opposait à l’Union soviétique, avaient joué un rôle crucial dans l’échec de l’UP. De fait, au-delà de l’émotion suscitée par la folie sanguinaire de ses auteurs, le putsch du 11 septembre 1973 allait ouvrir la voie à vingt ans de dictature et de chasse aux militants de gauche à travers toute l’Amérique latine.

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