Contestation et martyre

Publié le 7 septembre 2004 Lecture : 2 minutes.

Le terme « chiisme » vient de la formule utilisée par les musulmans au lendemain de la mort du Prophète pour désigner les partisans d’Ali (cousin et gendre de Mohammed) : chi’at Ali, le parti d’Ali. Ce courant est né d’une contestation politique portant sur le principe devant régir la succession. Car le Prophète n’était pas seulement un chef religieux, mais un homme d’État qui régnait sur un empire naissant. Sa mort, en 632, soulève une nouvelle question pour la société islamique : qui doit succéder au Prophète ?
Pour les chiites, c’est aux Ahl al-Bayt – les membres de la famille du Prophète – que le pouvoir doit revenir, donc à Ali, père de Hassan et Hussein, les fils de Fatima, elle-même fille unique de Mohammed. Certains chiites estiment en outre qu’Ali a bénéficié de la lumière mohammedienne (al-nour al-Mohammedia) et que son compagnonnage avec le Prophète lui a permis d’accéder au batin, le sens caché du Coran, alors que Mohammed n’aurait eu accès qu’au dhahir, le sens apparent des textes divins. C’est pourquoi Ali devint l’imam, un guide politique et religieux infaillible, détenant un savoir surhumain. Pour les sunnites, il n’y a d’infaillible que Mohammed et de détenteur de la chose cachée que Dieu. Pour les chiites, l’imam est le continuateur de la mission du Prophète, et son pouvoir est à la fois spirituel et temporel. L’importance du clergé, notion rejetée par les sunnites, tient au fait que l’imam en est l’émanation.
En un siècle (entre 661, année de la mort d’Ali, et 874, année de l’occultation de Mohamed al-Mahdi, douzième et dernier imam), le chiisme a connu de nombreuses ruptures. La première remonte à 712 quand Zayd, fils de Hussein, contesta la légitimité de son demi-frère, Ali Zine al-Abidine. Cela donna naissance au chiisme zaydite, aujourd’hui présent dans les montagnes du Yémen. La seconde date de 755, quand la succession du sixième imam, Jaafar al-Sadiq opposa ses deux fils, Moussa et Ismaïl. Les partisans de ce dernier, récusé par la majorité du clergé, créèrent le courant ismaélien, ou chiisme septimain, qui donna naissance, par la suite, à de nombreuses sectes, dont les Alaouites de Syrie. Mais l’immense majorité des chiites sont duodécimains, c’est-à-dire fidèles aux douze imams. Les onze premiers, d’Ali Ibn Abi Taleb à Hassan al-Askari, connurent une mort violente. Le douzième fut « occulté » par Allah en 874 pour guider les hommes. L’occultation n’est ni un décès ni un séjour au paradis, mais une disparition de la vue des hommes et une présence permanente, incarnée anonymement dans un corps humain. C’est ainsi que les mollahs iraniens soutiennent mordicus que le Mahdi était présent lors de la cérémonie inaugurale du Parlement de la Révolution islamique, en 1979, à Téhéran.
La contestation du pouvoir central est l’essence même du chiisme. Autre caractéristique : la glorification du martyre pour la consolidation de la communauté. Autant de facteurs qui ont alimenté la méfiance des gouvernants sunnites et des puissances du moment tout au long de l’histoire. Une méfiance pouvant rapidement se changer en haine. Quand elle est moins violente, cette haine prend des aspects sournois. Lors de séjours à Téhéran, Kerbala ou Nadjaf, l’auteur de ces lignes s’est entendu, à plusieurs reprises, poser cette question : « Es-tu sunnite ou musulman ? »

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