Maroc : le « couscous de Mimoun », en toute saison

Plus qu’un simple plat, le couscous est un mode de vie qui rassemble ceux qui le partagent. Au point que certains lui vouent une véritable passion, comme Jane Roussel.

Royal Couscous © ALAIN MURIOT/AFP

Royal Couscous © ALAIN MURIOT/AFP

Publié le 2 janvier 2022 Lecture : 4 minutes.

Il y a des plats que l’on découvre sur le tard et qui donnent l’impression d’avoir toujours fait partie de nos souvenirs. Des plats généreux dont chaque ingrédient donne l’impression d’être à la maison… J’ai 14 ou 15 ans lorsque je goûte mon premier couscous. Enfin, je crois. C’est en tout cas le premier souvenir que j’ai de ce plat.

L’amour du couscous

Mon père avait demandé que nous passions un vendredi soir ensemble, et m’avait convaincue de le consacrer à manger des légumes (je caricature à peine, l’ado que j’étais rêvant plutôt d’une pizza quatre fromages). Je ne me souviens pas de ce que lui avait coûté cette négociation, sûrement cher. J’imagine qu’il avait dû sortir une promesse du genre : « On va manger le meilleur couscous du monde là, tu verras, ça fond dans la bouche ». C’était à Belleville, dans un tout petit endroit dont le nom m’échappe. De cette soirée floue, quinze ans plus tard, la seule chose qui m’est restée est l’amour de ce plat. Était-ce un « bon » couscous ? Aucune idée.

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À peu près à la même époque, je découvre le Maroc. J’y vais souvent. À chaque fois, j’y mange un couscous. Plusieurs couscous, pour être exact. Je vais à Marrakech, je cherche les meilleurs adresses pour en déguster. Idem à Essaouira, à Tanger. Dix ans après cette découverte, je me retrouve à aller au Maroc pour le travail, cette fois. On me dit que je vais dans le désert, je n’en sais pas tellement plus. Je prends un avion pour Casa, puis un pour Errachidia, et je roule jusqu’à Merzouga, que je ne connais pas. Je couvre, en tant que journaliste, un rallye dans le désert, et je dors dans une petite auberge, tenue par une française un peu hippie. L’endroit est niché au pied de monticules de sable. On y mange bien, du petit déjeuner au dîner.

Le couscous d’orge est typique du coin, avec légumes, raisins réhydratés, viandes et oignons caramélisés

Un soir, je m’installe à table avec une dizaine de personnes de l’organisation du rallye. La moyenne d’âge est de 60 ans, ils ont l’habitude de venir au Maroc, connaissent la région sur le bout des doigts, sillonnent les pistes du Sahara avec leurs 4X4 depuis 30 ans, regorgent d’anecdotes et d’adresses à ne pas manquer. Ils ont mangé plus de couscous que je n’en consommerai jamais, même avec la passion que je lui voue. Ils vantent les mérites de celui que l’on déguste ici, en buvant un verre de Guerrouane. Les plats arrivent : le couscous d’orge, typique du coin me dit-on, les légumes, les raisins réhydratés, les viandes et les oignons caramélisés.

Des heures à analyser le tuto d’une cuisinière marocaine

Ce dernier ingrédient n’est qu’un détail, qui n’intéresse pas toutes les assiettes. Pour moi, c’est la cerise sur le gâteau. Il me rappelle un truc que fait ma mère pour améliorer tous les plats à partager : elle en cuisine pour agrémenter la crêpe party, pour ajouter au fromage dans la raclette… Le goût de l’oignon caramélisé, c’est ma mère. Le couscous, c’est mon père. Autour de moi, qui suis jeune adulte et journaliste débutante, se trouve une série de couples entre 50 et 70 ans, qui m’accueillent comme leur petite fille. Je suis à un endroit que je connais peu, je mange un plat qui n’a rien du souvenir d’enfance, je pars seule pour le travail pour la première fois, mais je suis en famille. Là encore, le moment du couscous est beau, en plus d’être bon.

Le couscous, c’est ce plat généreux que l’on picore à la cuillère dans un même plat chez les femmes des villages du désert, le lendemain. Plus simple et toujours chaleureux. C’est ce plat que j’ai essayé d’imiter maintes fois, après avoir trouvé ma couscoussière en brocante. Qui m’a demandé de passer des heures devant ma gazinière à analyser minute par minute le tuto d’une dame marocaine, expliquant comment elle cuit sa semoule, entre 3 et 6 fois. Ce sont des milliers de graines coincées entre les tomettes de ma cuisine, un nombre incalculable de tâches d’épices sur mes T-shirts blancs. Ce sont des centaines d’épluchures ajoutées au compost. Des heures à récurer les marmites que j’ai fait brûler « pour que ça caramélise, parce que c’est essentiel a dit la dame de la vidéo ». Le couscous, c’est aussi un personnage culte de mon cinéma de jeunesse, Mimoun, cuisinier de la colo dans Nos jours heureux. Le « couscous de Mimoun », c’est devenu la blague de mon menu signature, celui qu’on cuisine par toute saison, qui nous réunit à dix de l’atelier épluchage à la table du dîner.

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