Un discours « pressé »

Publié le 7 août 2007 Lecture : 2 minutes.

Je me permets de revenir sur le discours du président Sarkozy à Dakar. On l’a dit, ce ne fut pas une réussite, loin de là. Un speech totalement axé sur le passé, comme obsédé par l’Histoire, alors que l’Afrique a besoin d’avenir. Absent sur les questions de sécurité, d’économie, d’écologie, alors que c’est cela qui intéresse des millions de jeunes Africains. Embourbé dans des théories fumeuses sur la « civilisation africaine » (ah ! la fameuse « profondeur et la richesse de l’âme noire »…), alors que, de Dakar à Abidjan en passant par Johannesburg, on a surtout besoin de modernité. Sans parler du côté incroyablement culpabilisateur : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire… » Le tout donnant une image confuse, brouillonne, paternaliste de la politique africaine de la France sur le continent. Et reprenant un stéréotype trop facile d’une Afrique inutile, immobile, passive.

Un mot sur cette « Histoire » absente tout d’abord.
Le combat anticolonial ? Les indépendances ? La construction d’États quasiment ex nihilo ? La crise des partis uniques, les conférences nationales ? La démocratisation ? La chute des tyrans, la fin de l’apartheid ? Le remodelage du lien, justement, avec la France ? Tout cela ressemble furieusement, au contraire, à une Histoire en marche.
Quelques chiffres ensuite sur la question de « l’utilité » de l’Afrique. Si mes recherches sont justes, la France exporte plus de 30 milliards d’euros vers l’Afrique (Maghreb inclus) et importe près de 25 milliards d’euros. Elle dégage donc un solde positif de 5 milliards d’euros par an. 30 milliards d’euros, c’est un peu plus que ce que les Gaulois exportent aux États-Unis. Et, en termes nets, l’Afrique est plus « rentable » que la toute-puissante Chine (Hong Kong inclus). La France y exporte pour près de 10 milliards d’euros et importe pour plus de 19 milliards. Solde négatif : 9 milliards d’euros.

la suite après cette publicité

Quelques éléments enfin pour atténuer la vision d’une Afrique essentiellement mal gérée, infantile, pillée par des élites sans foi ni loi. Parlons du massacre de son agriculture. Les subventions américaines et européennes « flinguent » sans complexe les produits locaux (comme le coton, le sucre, la volaille…) en dépréciant les cours mondiaux. Dans le même temps, les cours du blé (et des autres céréales) ont explosé : + 50 % depuis un an. Pour beaucoup de pays africains, la situation est devenue dramatique. Le coût de la facture alimentaire s’envole. La production locale s’effondre. Ajoutez à cela, pour les non-producteurs, le coût astronomique des importations pétrolières. Parlons aussi du financement introuvable de l’avenir. Le continent est devenu un exportateur net de capitaux. C’est-à-dire qu’il rembourse plus (dette, intérêts de la dette…) qu’il ne reçoit… Avec ce qui reste, c’est-à-dire un zéro négatif, il est censé assurer son développement harmonieux…
Voilà les sujets sur lesquels on aurait aimé entendre la France. Voilà cette Afrique sur laquelle on aurait aimé entendre l’enthousiasme et l’énergie sarkoziens, cette Afrique de la réalité, celle qui se bat et qui a besoin que ses amis soient là, autrement qu’avec des mots (pas toujours bien choisis).

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires