Toujours plus riches !

Leur chiffre d’affaires a globalement progressé de 10,4 %. Et leurs bénéfices de 25,9 %. On l’aura compris : la santé des cinq cents plus grandes entreprises de la planète n’a jamais été plus florissante, ce qui, au passage, confirme l’insolente vitalité de l’économie mondiale : + 40 % depuis 2000, dont la moitié grâce aux pays émergents, Chine en tête.
Une fois de plus, et c’est le principal enseignement du classement publié, comme chaque année, par le magazine américain Fortune, l’envolée des cours du pétrole est directement à l’origine de celle des indicateurs. Six des dix groupes de tête travaillent dans le secteur pétrolier et trois dans un secteur voisin : la construction automobile (voir infographie). Mais ces derniers affichent plutôt des records de pertes, notamment les américains General Motors (5e, avec un « trou » de 2 milliards de dollars) et, surtout, Ford, qui, avec 12 milliards, rétrograde du 9e au 12e rang. En revanche, le japonais Toyota poursuit son irrésistible ascension (de la 8e à 6e place) et réalise des bénéfices (14 milliards) dont certains groupes pétroliers n’auraient pas à rougir. Certains, mais pas tous : les majors, elles, restent inaccessibles, qu’il s’agisse d’ExxonMobil, 2e mondial avec 39,5 milliards de profits (ce qui correspond au chiffre d’affaires de l’électronicien néerlandais Philips, classée 161e), de Royal Dutch Shell (3e, 25,4 milliards) ou de British Petroleum (4e, 22 milliards).
De la 10e à la 25e place, le classement est dominé par les géants de la banque, de l’assurance et de la finance. L’assureur néerlandais Ing Group (13e) prend la tête, avec un chiffre d’affaires de 158 milliards de dollars, suivi de près par l’américain Citigroup (14e, 147 milliards), le français Crédit agricole (18e, 128 milliards) et l’assureur allemand Allianz (19e, 125 milliards).

La grande distribution constitue le troisième secteur majeur de ce Top 500, avec un chiffre d’affaires cumulé de 1 500 milliards de dollars. Un cinquième de ce résultat vertigineux est imputable au seul Wal-Mart, le groupe américain d’hypermarchés, qui reprend la tête d’un classement qu’il accapare depuis des décennies et n’avait que brièvement cédée à ExxonMobil, l’an dernier. Son chiffre d’affaires est trois fois supérieur à celui du numéro deux du secteur, le français Carrefour, 32e au classement général avec des ventes de 99 milliards de dollars, loin devant ses concurrents britannique Tesco (55e) et germanique Metro (62e). Son compatriote Auchan pointe à la 141e position, avec des ventes de 43,9 milliards de dollars.
Au chapitre des grandes performances, on note également l’explosion de l’industrie de l’audiovisuel, dont les bénéfices ont bondi de 79 % en un an, grâce, surtout, à l’américain News Corp., 266e au classement général. Propriétaire de sociétés aussi prestigieuses que 20th Century dans le secteur du cinéma et Fox dans celui de la télévision, il affiche des profits en hausse de 208 % en un an. L’allemand Bertelsmann (281e), maison mère du groupe RTL (+ 182 %), et le groupe Walt Disney (191e, + 155 %), ne sont pas en reste.

Du point de vue de la répartition géographique, les cinq pays les mieux représentés dans le palmarès de Fortune sont, dans l’ordre : les États-Unis (162 entreprises), le Japon (67), la France (38), l’Allemagne (37) et le Royaume-Uni (33). Les français prospèrent dans des domaines aussi divers que les hydrocarbures (Total, 10e), la banque et la finance, la grande distribution, la construction (Bouygues et Vinci bataillent pour la première place du secteur, Saint-Gobain et Lafarge figurent parmi les trois premiers fournisseurs de matériaux), le transport aérien (Air France est le numéro un mondial), les cosmétiques (L’Oréal, toujours leader incontesté) et le luxe (Christian Dior, 351e au classement général).
Les entreprises allemandes réalisent un chiffre d’affaires global comparable à celui des françaises (plus de 1 800 milliards), mais très inférieur à celui des américaines (7 300 milliards). Leurs activités de prédilection ? La construction automobile (DaimlerChrysler, 8e, Volkswagen, 16e), l’électronique (Siemens, 28e et numéro un du secteur), les assurances (Allianz, 19e), la métallurgie (ThyssenKrupp, numéro deux derrière Mittal Steel), mais aussi la poste. La Deutsche Post (57e) est 2,5 fois plus grande que La Poste française et gagne dix-huit places dans le classement. Elle réalise un bénéfice 2,6 fois supérieur à celui du numéro deux mondial, US Postal (64e).

Du côté des marchés émergents, la Chine tire mieux que jamais son épingle du jeu en plaçant 24 entreprises dans le palmarès, contre 11 en 2002 et 3 en 1995. Après le japonais Toyota, les trois principales entreprises asiatiques sont chinoises : Sinopec (pétrole, 17e, qui gagne six places), China National Petroleum (24e, + 15) et State Grid (distribution d’électricité, 29e, + 3). La China National Petroleum est par ailleurs le 3e employeur mondial, avec presque 1,1 million de salariés, à comparer avec 1,9 million de Wal-Mart. Mais le chemin est encore long pour prétendre dominer l’économie mondiale : le bénéfice cumulé des sociétés chinoises du Top 500 est proche de celui des entreprises suisses (environ 55 milliards de dollars). Or les premières comptent plus de 7,2 millions de salariés et les secondes moins de 1 million. Pour la productivité, il faudra repasser !
Impossible d’achever ce tour du monde de l’économie sans souligner les spectaculaires progrès de l’Amérique latine, et notamment du Mexique et du Brésil (banques et exploitation pétrolière). La brésilienne Petrobras se hisse par exemple au 65e rang mondial (+ 21). Sans doute les entreprises latino-américaines sont-elles appelées à jouer, à l’avenir, un rôle important. Peut-être celui d’arbitre du match qui, inéluctablement, opposera un jour les États-Unis à leur challengeur potentiellement le plus menaçant : la Chine.