3 questions au… Dr Khalil Kamal

Le docteur Khalil Kamal, 45 ans, a exercé sa profession – il préfère dire sa passion – au Maroc, en Algérie et dans différents centres hospitaliers mauritaniens.

Jeune Afrique : Peut-on parler, aujourd’hui, d’une libération des moeurs au Maghreb ?
Khalil Kamal : Je dirais plutôt que les pays du Maghreb font le grand écart entre tradition et libération. Pendant longtemps, la sexualité a été un sujet tabou. J’entends encore mes grands-parents me dire : « Chut ! H’chouma ! » lorsque je parlais de sexualité. Pourtant, je note que les mentalités ont évolué depuis une dizaine d’années – en grande partie grâce aux femmes. Les Maghrébines, en tout cas une partie d’entre elles, sont plus libres. Elles travaillent, s’assument et considèrent l’homme comme un partenaire. Sans compter qu’à la différence de leurs mères elles n’hésitent pas à aborder le sujet au sein du couple et avec leurs enfants.

Faut-il pour autant s’attendre à ce que, avec les nouvelles générations, le sexe ne soit plus tabou ?
Parallèlement à cette libération d’une partie de la société, je constate malheureusement une véritable régression. En réaction à ce qui se passe en Palestine et en Irak, les jeunes se mettent à rejeter en bloc l’Occident. Ils refusent également les discours libres sur la sexualité venus des pays développés. Je crains que ce phénomène ne favorise l’émergence d’une génération de frustrés, aussi bien chez les filles que chez les garçons.

Qu’en est-il de l’éducation sexuelle ?
Elle est quasiment inexistante. Dans ce domaine tout reste à faire, d’autant plus que les maladies sexuellement transmissibles se développent… Il faut le dire : le sida tue aussi au Maghreb ! Il faut absolument déculpabiliser parents et enfants. Le travail des associations c’est bien, mais ça ne suffit pas. Les gouvernements doivent aussi prendre davantage leurs responsabilités.