Objectif minceur

La lutte contre l’obésité féminine se heurte à la tradition. Dans le pays, l’embonpoint reste l’un des principaux critères de beauté.

Publié le 6 août 2007 Lecture : 3 minutes.

L’effort de santé publique engagé par le gouvernement mauritanien pour lutter contre l’obésité féminine commence à porter ses fruits. C’est, en tout cas, ce que suggère une scène surprenante qui, désormais, se produit tous les après-midi à Nouakchott. À l’heure où la température fraîchit, une douzaine de femmes en sandales ou en tennis se lancent, d’un pas dynamique, dans une marche autour du Stade olympique. « Je dois maigrir », confesse l’une de ces « sportives », qui, à 34 ans, pèse plus de 90 kg. « C’est bon pour ma santé et il faut que je perde du poids », ajoute une autre, en baskets rose vif.
Le phénomène fait figure de révolution. Naguère, une Mauritanienne en chaussures de sport était aussi rare qu’un chameau en talons aiguilles ! Personne ne songeait, en effet, à remettre en question les canons traditionnels de la beauté féminine. Si les formes généreuses sont valorisées dans de nombreux pays, la Mauritanie est sans doute le seul à avoir poussé aussi loin cet idéal esthétique. Ici, les hommes apprécient les femmes bien en chair – sinon plus -, et beaucoup d’entre elles font tout pour se conformer à leur penchant.
En 2001, une enquête du gouvernement portant sur 68 000 Mauritaniennes a montré que 20 % d’entre elles avaient même été volontairement suralimentées. Pendant des décennies, le régime des filles de 5 à 19 ans fut tout sauf un programme minceur. Chaque jour, elles devaient boire jusqu’à 18 litres de lait de vache ou de chamelle, un produit extrêmement riche. Sans compter la crème, le beurre et les féculents qu’elles devaient également avaler Si, d’aventure, l’une s’avisait de refuser ou de vomir un repas, le « diététicien » du village pouvait la forcer à « coopérer » en lui comprimant le pied entre deux bâtons, en lui pinçant les cuisses et les oreilles, ou encore en lui retournant les doigts. Il n’était pas rare non plus qu’on l’oblige à boire son propre vomi Le « gavage » était une pratique généralisée. « Pas une femme de mon âge n’y a échappé », confie Yenserha Mint Mohamed Mahmoud. À 47 ans, celle-ci dirige le programme gouvernemental pour la promotion de la femme. « Certaines ont sans doute réussi à éviter la torture, mais aucune n’a pu se soustraire à la nourriture », précise-t-elle.
La Mauritanie compterait, toujours selon l’enquête gouvernementale de 2001, 40 % de femmes en surpoids, ce qui la placerait au quatrième rang africain des pays où les populations sont les plus grosses, selon un classement effectué par le Groupe de lutte contre l’obésité, une association basée à Londres. Une statistique d’autant plus inquiétante que 70 % des femmes suralimentées déclarent qu’elles ne regrettent pas le « traitement » qu’elles ont subi. « C’est un mauvais signe, surtout pour les nouvelles générations », soupire Maye Mint Haidy, une statisticienne du gouvernement qui s’occupe également d’une ONG féminine.
Le gouvernement essaie bien de renverser la vapeur, mais c’est loin d’être facile. À la télévision, des spots mettent en garde contre les problèmes de santé provoqués par le surpoids : diabète, pression artérielle, accidents cardio-vasculaires, etc. En 2003, le ministère de la Promotion des femmes, de la famille et des enfants a développé une campagne « choc » en faveur des régimes amaigrissants.
Mais comme il n’est pas facile de prêcher dans le désert – à peine 25 % des Mauritaniennes regardent la télévision, et elles sont moins nombreuses encore à écouter la radio -, les préjugés ont la vie dure « Les hommes veulent des femmes imposantes, alors elles s’efforcent de le devenir. Les femmes veulent des hommes minces, alors ils font tout pour le rester ! » lance encore Yenserha Mahmoud. En Mauritanie, en effet, si une femme mince est jugée masculine et pauvre, un homme par trop grassouillet passe, lui, pour être efféminé et paresseux.

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