Guerre des nerfs entre le Niger et Areva
Entre Niamey et le géant français du nucléaire, l’heure est à la renégociation du taux d’imposition des ressources minières. Qui aura le dernier mot ?
Les miniers, de si mauvais voisins ?
Les histoires d’amour finissent mal, en général. Celle entre Areva et l’État du Niger ne déroge pas à la règle. Après plus de quarante ans de vie commune, la mariée nigérienne a parfois la furieuse envie de donner un grand coup de canif dans le contrat pour récupérer un bout de sa dot. Mais les enjeux sont si importants que la raison finit par l’emporter. C’est bien ce qui devrait se passer une nouvelle fois dans le bras de fer fiscal qui oppose les deux parties.
Le 31 décembre dernier, les conventions minières qui lient depuis dix ans le Niger à l’opérateur français pour l’exploitation d’uranium sur les sites d’Arlit sont arrivées à échéance sans qu’aucun accord n’ait pu être trouvé. Le Niger veut en profiter pour augmenter ses revenus en appliquant la loi minière de 2006, qui prévoit un taux d’imposition pouvant aller jusqu’à 12 % de la valeur des ressources extraites. De son côté, le groupe français revendique la poursuite de l’application de la loi minière de 1993, qui porte les prélèvements fiscaux supportés par les sociétés Somaïr et Cominak (détenues respectivement à hauteur de 64 % et 34 % par Areva) à 5,5 % maximum. Depuis six mois, les deux parties sont engagées dans une véritable guerre des nerfs.
Menaces
D’abord pimentées par des menaces à peine voilées, les discussions ont pris une meilleure tournure ces dernières semaines. Mohamed Bazoum, le ministre nigérien des Affaires étrangères, a déclaré le 6 janvier que son pays était prêt « à entendre les arguments d’Areva ». Depuis, plus rien ne filtre. Les autorités de Niamey et Areva gardent le silence. Dans les deux camps, les intérêts commerciaux sont si forts que personne ne veut parasiter les pourparlers en cours.
Si Areva paraît aujourd’hui avoir repris le contrôle des discussions, c’est parce que la compagnie a su se rendre indispensable. Non seulement elle a acquis une expertise difficilement remplaçable, mais elle dispose avec le site d’Imouraren, concédé en 2009, d’un moyen de pression supplémentaire. Initialement prévue pour 2012, l’ouverture de cette mine qui contient les plus importantes réserves d’uranium du continent a été repoussée par Areva, l’entreprise avançant des raisons de sécurité.
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« Le président Mahamadou Issoufou a réclamé sa mise en service pour la fin de 2015, mais Areva ne s’est toujours pas engagé sur cette date », constate Rolake Akinkugbe, spécialiste des matières premières pour Ecobank.
La baisse des cours constatée ces derniers mois, actuellement au plus bas à 35 dollars la livre, ne pousse pas non plus l’opérateur à investir les 1,9 milliard d’euros nécessaires au démarrage d’Imouraren.
Ralenti
Face à un marché plutôt déprimé, Areva a même arrêté au début de l’année la production des sites d’Arlit, officiellement pour des raisons de maintenance, mettant 5 300 employés au chômage. La faiblesse des cours constitue d’ailleurs le meilleur argument d’Areva, qui prétend que ses mines nigériennes ne seront plus rentables en cas de révision de son régime fiscal. Pour des raisons stratégiques, le groupe français ne peut pourtant pas prendre le risque de se fâcher durablement. Quatrième producteur de la planète, le Niger pèse chaque année un tiers de l’approvisionnement en minerai d’Areva, et l’opérateur peut bien signer des contrats en Namibie ou en Mongolie, « il faut quinze ans pour démarrer une mine », rappelle Anne-Sophie Simpere de l’ONG Oxfam.
Reste un constat. Selon l’étude publiée par Oxfam fin 2013, Niamey n’aurait récupéré que 13 % de la valeur des exportations d’uranium depuis le début de l’extraction en 1971, soit 459 millions d’euros. Areva a beau contester ces chiffres, il n’en demeure pas moins qu’après seulement un an d’exploitation le pétrole (plus de 100 millions d’euros) a rapporté davantage en 2012 aux finances de l’État que l’uranium (70 millions)…
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