Le sexe et les autres

Publié le 6 août 2007 Lecture : 3 minutes.

Il paraît donc que, pour ce qui est de la bagatelle, « une grande partie de la jeunesse maghrébine s’inspire de ce qui se passe en Occident ». Il y aurait une nette tendance à l’uniformisation des comportements en matière de sexualité. Internet et les nouveaux médias seraient responsables de ce nivellement.
Dommage. Car le plus amusant dans la gaudriole, c’était justement le regard porté sur les comportements – bizarres, forcément bizarres – de l’Autre. À l’internat, quand on se racontait à la nuit tombée des histoires salaces, loin du regard sévère du pion de service, c’était toujours pour glorifier nos exploits (encore virtuels, d’ailleurs) et pour nous moquer des autres peuples/ ethnies/races. Nous étions les meilleurs (virtuoses, infatigables, avantageusement dotés). Les nuls, les mauvais, c’était les autres.

Certains peuples arrivaient à en convaincre le monde entier. Je plains ce collègue d’autrefois, spécialiste d’économétrie et très performant dans ce domaine, mais que ses parents avaient eu la mauvaise idée de prénommer Roméo. Il est vrai qu’il était italien. Mais que de déceptions cruelles pour donzelles pâmées ou rombières sur le retour quand elles avaient réussi à coincer ce Roméo-là, un nerd assez flapi, dans un coin de la pièce, au crépuscule. Trois minutes douche comprise, il n’y avait pas de quoi entonner le grand air de Rigoletto.
Et ça ne date pas d’hier. Pendant des siècles, aux yeux des Européens, l’Orient était peuplé de derviches obsédés par la chose, d’eunuques vicelards et de mousmés ensorceleuses. L’Orient en avait autant à leur service. Selon Ibrahim Ibn Yakoub, qui vivait dans l’Espagne musulmane vers l’an 1000, « un Slave répudie la femme qu’il vient d’épouser s’il s’aperçoit qu’elle est encore vierge ». Le Perse al-Qazwini en dit autant des Francs dans sa Cosmographie écrite au XIIe siècle. Quant à l’auteur anonyme de la Mer des vertus, publié dans la Syrie du XIIe siècle, il affirme que chez les chrétiens les femmes peuvent forniquer avec qui bon leur semble et qu’il leur est particulièrement recommandé de s’unir avec les prêtres dans les églises Et comment appelait-on la syphilis à l’époque des Croisades ? Al-marad al-franji : le mal des Francs. N’en jetez plus : le dépravé, le malade, l’inadéquat, c’est toujours l’Autre.
La seule exception, c’était les Anglais : eux, ils se donnaient systématiquement le mauvais rôle dans leurs blagues olé-olé. No sex, please, we are British, c’était une amusante pièce de theatre d’Alistair Foot dont le titre valait programme. On connaît aussi le conseil que donnaient les mères victoriennes à leurs filles avant la nuit de noces : « Ferme les yeux et pense à l’Angleterre. » Et on trouvait à Londres des petits livres intitulés Great British Lovers qui étaient faits de pages entièrement blanches. Messieurs les Anglais ne tiraient pas les premiers. C’était une excellente stratégie : quand on n’a rien à prouver, le partenaire de circonstance ne peut qu’être agréablement surpris

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Et voilà qu’Internet, le satellite, les voyages nous apprennent que les uns et les autres se câlinent de la même façon. Il paraît qu’il se vend autant de lingerie coquine à Téhéran qu’à Paris. Un Eskimo ou un Touareg, à part la température ambiante, c’est la même chose au lit : c’est bonnet blanc et bleu boubou. Une Fassie n’a rien à apprendre à un Mozabite, ni un Soussi à une Oranaise. Tous les chats sont gris, de nuit comme de jour. Quel dommage !

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