Le poumon du Sud

Relance du secteur minier et de l’agriculture, développement des échanges commerciaux Les défis à relever par la province la plus riche du pays sont nombreux.

Publié le 6 août 2007 Lecture : 5 minutes.

Grande comme la France, peuplée de quelque 8,2 millions d’habitants, la province la plus riche du pays est aujourd’hui dirigée par un chef d’entreprise. En février, l’homme d’affaires Moïse Katumbi Chapwe a été élu, sous la bannière du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, au pouvoir), gouverneur du Katanga. Ce quadragénaire qui fut, dans une vie antérieure, président du club de football TP Mazembe de Lubumbashi, doit désormais s’occuper de problèmes économiques et sociaux. Et la province n’en manque pas.

Bien qu’il soit resté largement sous contrôle gouvernemental pendant la guerre civile (1998-2003), le Katanga n’a pas échappé aux remous politico-militaires. Armés en 1998 par Kabila, père et fils, afin d’endiguer l’avancée des rebelles soutenus par le Rwanda, les milices Maï-Maï ont mis du temps à intégrer l’armée nationale. Ce qui a occasionné de violents affrontements avec les Forces armées de RDC. Les nombreuses exactions (viols, vols, pillages) commises durant cette période par les deux camps ont fait plus de 120 000 déplacés parmi les civils.
Mais depuis la reddition, en mai 2006, du chef Maï-Maï Kyungu Mutanga, alias « Gédéon », qui a accepté de rejoindre le processus DDR (démobilisation, désarmement et réintégration), la situation semble s’être normalisée. Les déplacés ont regagné leurs villages et les quelque cinq cents personnes réfugiées en Tanzanie se sont réinstallées dans le Nord-Katanga. Une opération menée par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) devrait également permettre le rapatriement, d’ici à la fin de 2007, de 20 000 des 61 000 Congolais partis en Zambie. Si la paix est revenue, la situation humanitaire reste toutefois préoccupante au Nord-Katanga, où, selon Médecins sans frontières (MSF), des milliers de personnes ont été touchées, fin 2006, par les inondations qui ont provoqué des épidémies et détruit des récoltes.
Autre sujet de préoccupation : le secteur minier où règne encore le plus grand désordre. L’Est (Manono) et le Sud (Lubumbashi, Kolwezi) du Katanga comptent de très riches gisements de cobalt, de cuivre, de fer, de radium, d’uranium et de diamant. Sous le régime de Mobutu, les recettes tirées des mines katangaises représentaient entre 50 % et 80 % du budget national. En 1989, l’entreprise publique la Générale des carrières et des mines (Gécamines) produisait 450 000 tonnes de cuivre par an, contre 36 400 tonnes aujourd’hui. L’arrivée d’investisseurs étrangers dans le pays devrait toutefois donner un second souffle au secteur. Mais le pari est loin d’être gagné.
Le dépeçage de la Gécamines, dont une grande partie des actifs a été cédée à des sociétés privées dans des conditions souvent contestables, avant que le cabinet français Sofreco ne restructure la société, n’est pas pour plaire à tout le monde. « La part de la Gécamines dans les contrats de joint-venture conclus récemment ne dépasse pas 25 % », déplore une employée de l’entreprise. Un scandale dénoncé par l’ONG britannique Global Witness et la commission Lutundula. Cette dernière, mandatée par l’Assemblée nationale, a d’ailleurs recommandé la résiliation ou la renégociation des contrats passés avec plusieurs sociétés internationales. En juin dernier, les autorités de Kinshasa ont entrepris un audit des accords en cours. Une soixantaine de ces contrats seront passés en revue « afin de corriger les déséquilibres », ont-ils annoncé.

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Le secteur doit, en outre, faire face à l’exploitation artisanale. Pour gagner leur vie, de nombreux diplômés sans travail, des « assainis » (licenciés) de la Gécamines et des déplacés de guerre se sont improvisés « creuseurs ». Estimés à près de 150 000 (dont des enfants, affectés aux travaux dits légers) dans tout le Katanga, ils occupent des concessions minières de la Gécamines ou de sociétés privées. Leur activité consiste à extraire de l’hétérogénite, un mélange de cuivre et de cobalt. Si les plus robustes parviennent à gagner correctement leur vie (entre 150 et 200 dollars par mois en moyenne), le travail reste périlleux et les accidents fréquents.
Au vu des cours mondiaux, les négociants se livrent une âpre bataille. Les sociétés de commerce, qui n’exploitent pas les gisements mais s’arrangent avec les petits exploitants pour obtenir, avec la complicité des services publics, le minerai de concessions qui ne leur appartiennent pas, sont principalement chinoises, libanaises et indiennes. Trois d’entre elles – Chemaf, Somika et le Groupe Bazano – sont soupçonnées d’exporter illégalement vers la Zambie, l’Afrique du Sud, la Chine et l’Inde, l’hétérogénite sous sa forme brute.
Pour le gouverneur Katumbi, plus question de laisser faire. En avril dernier, des camions chargés de 30 à 40 tonnes d’hétérogénite, pour une valeur de plus de 20 millions de dollars, ont été saisis au poste de Kasumbalesa, à la frontière entre la RDC et la Zambie. Un protocole d’entente a été signé avec ce pays pour améliorer la coopération relative à la perception des droits de douane. De passage à Lubumbashi, Karel De Gucht, le ministre belge des Affaires étrangères, a promis le concours de l’ancienne puissance coloniale dans la lutte contre la fraude, la sous-évaluation des quantités et de la qualité des produits exportés. Plus généralement, les problèmes du secteur minier seront débattus au sein d’un cadre de concertation permanent, regroupant les pouvoirs publics, les entreprises minières et la société civile.
Outre les mines, le gouverneur mise sur l’agriculture, l’élevage et la pisciculture. En mai dernier, une table ronde a réuni des opérateurs économiques, des ONG ainsi que des experts belges et congolais pour réfléchir sur les moyens à mettre en uvre pour passer d’une agriculture de subsistance à une agriculture industrielle. Côté social, le gouverneur a exigé des entreprises de la région qu’elles versent un salaire minimum de 100 dollars par mois à leurs employés et les a invitées à établir des contrats de travail.
Voyages à l’extérieur, accueil d’hommes d’affaires étrangers dans la région Katumbi se mobilise pour attirer les investisseurs. Parmi les partenaires figurent la Zambie, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud. Le gouverneur entend bien développer les relations commerciales avec d’autres provinces de la RDC, tel le Kasaï oriental, relié au Katanga par une voie ferrée. Pas de relance des investissements toutefois sans un renforcement des services de base comme les transports, l’énergie et l’eau. Mais où trouver l’argent ? Pour optimiser les recettes, la province compte sur la dotation que l’État congolais doit lui reverser. Une disposition constitutionnelle, pas encore appliquée, que le gouverneur est bien décidé à faire valoir. Au risque d’agacer Kinshasa.

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