La plume qui parle

Publié le 6 août 2007 Lecture : 3 minutes.

A Dakar, il n’aura pas fallu attendre longtemps avant de savoir qui avait écrit le discours de Nicolas Sarkozy. Tandis que les « africanistes » du président ne montraient guère de précipitation à se l’approprier, Henri Guaino, son conseiller spécial, s’est dénoncé sans se faire prier. La verve lyrique du texte et son recours à des analyses historiques – quelle qu’en soit la validité scientifique – ne laissaient d’ailleurs aucun doute sur la plume qui se cachait derrière la voix du président. Les Français ont suffisamment goûté de ce style pendant la campagne électorale pour le reconnaître au premier coup d’il
Haut fonctionnaire, diplômé de Sciences-Po Paris, d’histoire et d’économie, le jeune cinquantenaire n’est pas un bleu de la politique, mais depuis qu’il a rejoint l’équipe du candidat Sarkozy en tant que nègre officiel, au début de 2006, il s’est enfin rangé du côté des vainqueurs. Après avoir été anti-européen au début des années 1990 aux côtés de Philippe Séguin (son maître en politique, après le général de Gaulle qui demeure son idole), nationaliste avec Charles Pasqua au ministère de l’Intérieur, puis « fracturé social » en 1995 aux côtés de Jacques Chirac, le voici assis dans un grand bureau de l’Élysée, à gauche de celui du chef. Il manie toujours la plume, mais sert aussi de boîte à idées (l’Union méditerranéenne, c’est lui). Fils d’une famille modeste, élevé par sa mère et ses grands-parents ouvriers dans le sud de la France, il est républicain jusqu’à l’os, croit au travail, au rôle de l’État dans l’économie et à l’ascension sociale. C’est lui qui, en partie, a humanisé Sarkozy, l’ultra-libéral, ami des riches et des Américains, pour en faire un candidat rassembleur et proche de tous les Français. Pari réussi, qui l’a fait passer de « plume à gratter » du candidat de l’UMP à joker influent du président – au grand dam d’un certain nombre de membres du premier cercle.
De l’Afrique, Henri Guaino semble ne connaître que peu de choses, dont les mécanismes d’endettement, grâce à son passage au secrétariat général du Club de Paris de 1987 à 1988. Son goût pour l’histoire a fait le reste et c’est donc, dit-il, sa vision du continent, inscrite dans sa propre interprétation du passé africain, qu’il a souhaité donner, dans le premier discours présidentiel au sud du Sahara. Sûr de lui, presque péremptoire, il n’éprouve que mépris pour les incultes : « Ceux qui ne connaissent pas l’Histoire ne font pas de bonne politique », expliquait-il à quelques journalistes le 26 juillet au soir, à Dakar. Il ne citera personne, mais suivez simplement le regard de celui qui, après avoir été nommé commissaire au Plan en 1995 par Jacques Chirac, en a été écarté par le même homme « Avec François Mitterrand, c’était différent. Il était érudit. Malheureusement, le discours de La Baule n’a pas été suivi d’effets. »
L’Histoire, certes, mais quelle histoire ? Le chantre de la France éternelle sait pertinemment que, science de l’interprétation par excellence, on ne la mobilise pas par hasard dans un discours politique. Et pense avoir réussi son coup à Dakar, envers et contre tous. Ce gaulliste pur jus, qui sent bon l’éloquence et le tableau noir des écoles du mérite, se défend bec et ongles, persuadé d’avoir donné là le discours fondateur de la politique sarkozienne en Afrique. « Pendant toute la campagne, les observateurs ont critiqué mes discours. Mais c’était ce que les Français voulaient entendre : comprendre d’où ils venaient pour savoir où ils allaient. Ici, c’est pareil. Nous n’allions pas servir le pauvre langage programmatique d’un sous-secrétaire d’État aux Affaires africaines. Il nous fallait un discours présidentiel. Vous verrez, dans dix ans, on parlera de Dakar comme d’un discours fondateur. » À ceci près que dans la capitale sénégalaise, Nicolas Sarkozy n’était pas candidat

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