Ce que le « Guide » attend de la France

Publié le 6 août 2007 Lecture : 3 minutes.

Début août, au lendemain de la visite à Tripoli du président Nicolas Sarkozy (le 25 juillet), la Libye a annoncé l’achat à la France de missiles antichars Milan (coût : 168 millions d’euros) et d’un système de communication radio (128 millions d’euros). Les fournisseurs sont deux filiales d’EADS, le géant européen de l’aéronautique et des industries de défense. Les discussions étaient en cours depuis l’an dernier, du temps de Jacques Chirac.

À Paris, la polémique suscitée par la signature de ces contrats apparaît singulièrement biaisée. Elle repose sur des informations souvent fausses ou incomplètes. Prétendre, par exemple, que la France, en échange de la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien, aurait fait un cadeau à Kadhafi en consentant à lui vendre des armements sophistiqués, c’est feindre d’ignorer que, depuis la levée de l’embargo onusien (en 2003), puis européen (l’année suivante), la Libye est libre d’acheter des armes conventionnelles à qui elle veut. Que les États-Unis et la Grande-Bretagne, au lendemain du démantèlement de son programme d’armes de destruction massive, en 2004, s’étaient engagés à lui fournir les moyens d’assurer sa sécurité. Et qu’ils se sont bel et bien fait souffler une partie du marché par leurs concurrents français. Une partie seulement, car les 296 millions d’euros décrochés par les filiales d’EADS sont peu de chose en comparaison des sommes en jeu dans les négociations en cours entre la Libye, d’une part, les États-Unis et un pays du Golfe, de l’autre : une vingtaine de milliards de dollars, au total.

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En revanche, tout n’a pas été dit sur les dessous de ce « retour de flamme » franco-libyen (l’idylle avait commencé en 1973, avec la livraison d’avions Mirage, mais avait rapidement tourné court). Car les Français lorgnent avant tout les pharaoniques projets libyens en matière d’infrastructures, dont le coût total avoisine 30 milliards de dollars, pour les dix ans à venir. Or les entreprises françaises du BTP ne sont pas forcément les plus mal placéesÂÂÂ…

Deuxième non-dit : les gestes que Kadhafi attend secrètement de Paris sur une série de questions « politiques » qui lui tiennent à coeur. D’abord, le statut judiciaire d’Abdallah Senoussi, condamné par la justice française à une peine de réclusion criminelle à perpétuité (avec cinq autres agents libyens) pour son rôle dans l’attentat contre un avion de la défunte compagnie UTA, en 1989, au-dessus du Niger. Le chef des services spéciaux libyens – et beau-frère de Kadhafi – reste l’homme fort de la Jamahiriya. Problème : la France a lancé contre lui un mandat d’arrêt international valable jusqu’en en 2019. Il ne peut être gracié par Sarkozy dans la mesure où il a été jugé par contumace et que sa condamnation n’est donc pas définitive. Pour qu’elle le soit, il faudrait un nouveau procès, en présence de l’accusé.

Kadhafi ayant trouvé une combine judiciaire pour gracier les infirmières bulgares en dépit de leur condamnation à mort par la justice libyenne, il attend de Sarkozy un geste du même ordre. Pour Senoussi, mais aussi pour Abdel Basset el-Megrahi, un autre agent libyen condamné à la prison à perpétuité, en 2001, pour son rôle dans l’attentat de Lockerbie, en 1988. Megrahi est actuellement détenu dans une prison écossaise. Les Libyens aimeraient qu’il achève de purger sa peine « à la maison ».
Mais voilà : de retour à Sofia, les personnels de santé bulgares, n’ont pas été incarcérés. Accueillis en héros, ils ont aussitôt été graciés par le chef de l’État. Les émissaires de Sarkozy qui les ont ramenés chez eux s’étaient pourtant portés garants du respect des accords d’extradition par les Bulgares. On n’a donc pas aidé Kadhafi à sauver les apparences : sa « justice » a été ridiculisée.

Depuis, Seif el-Islam Kadhafi, le grand artisan de l’accord, fait des pieds et des mains pour redorer le blason de son père. Il déclare à qui veut l’entendre que les 460 millions de dollars de dédommagements versés aux familles des victimes libyennes proviennent d’un financement arrangé par les Français. En 2003, déjà, lors de l’indemnisation des familles des victimes de l’avion UTA, il avait prétendu que le financement avait été assuré par diverses entreprises françaises. Dans les deux cas, c’est faux : l’argent, bien sûr, a été fourni par le Trésor libyenÂÂÂ…

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