Zhang Shengman, numéro un bis

Directeur général depuis 1997, l’homme appelé à seconder Paul Wolfowitz est devenu, au fil des ans, le grand ordonnateur de l’institution. Portrait d’un haut fonctionnaire chinois aussi discret qu’efficace.

Publié le 6 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Elu à l’unanimité président de la Banque mondiale le 31 mars, Paul Wolfowitz a pris officiellement ses fonctions le 1er juin (voir page 95). Mais si les présidents de l’institution se succèdent, son directeur général, le Chinois Zhang Shengman, 47 ans, semble, lui, inamovible. Au début de l’ère Wolfensohn, il y a dix ans, la Banque comptait quatre directeurs généraux. Trois d’entre eux n’ayant pas été remplacés, Shengman s’est retrouvé seul à la barre aux côtés du président. La fulgurante ascension du numéro deux n’a rien de surprenant : réputé pour prendre des décisions en un temps éclair, il a vu son pouvoir s’élargir en même temps que s’imposait son image de travailleur énergique et compétent. « C’est l’homme qui fait tourner la machine, explique l’un de ses collègues. Discret mais efficace, ni politisé ni controversé, il est très apprécié. » À ce poste stratégique, il faisait office de contrepoids à l’ambitieux président sortant et sera appelé à jouer le même rôle auprès de l’ex-secrétaire américain adjoint à la Défense, qui ne possède aucune expertise en matière de développement.
Le « second violon » de la Banque mondiale n’est pas le premier venu. Né à Shanghai, il a tout juste 17 ans lorsqu’il est admis dans la prestigieuse université Fudan, où il intègre une promotion spéciale dédiée à la formation des diplomates. Dans le cadre de ce cursus, Shengman et ses camarades ont l’obligation de faire deux années d’études dans une école rurale pour fonctionnaires. Il dit y avoir « mené les vaches aux pâturages, élevé les cochons et cultivé le riz ». La révolution culturelle de Mao Zedong est passée par là… Dans un portrait que lui consacre, en 2001, le Chengdu Economic Daily, on apprend que, en toutes circonstances et même dans cet environnement rural pénible, il reste un étudiant appliqué qui consacre chaque instant de liberté à apprendre par coeur toutes les pages d’un épais dictionnaire de langue anglaise. Mythe ou réalité ? Quoi qu’il en soit, le quotidien chinois rapporte que « lorsqu’il est allé étudier ensuite à l’étranger, Shengman n’a jamais eu le moindre problème de langue ». À sa sortie de Fudan, diplôme en poche, il est l’un des rares étudiants envoyés outre-Atlantique pour suivre un troisième cycle, d’abord à l’université McGill, au Canada, puis à Harvard. Un parcours qui le destinait naturellement à faire partie de l’élite. Il décroche un master d’économie, puis retourne dans sa Chine natale.
En 1981, il débute sa carrière professionnelle au ministère des Finances, qui, deux ans plus tard, l’envoie à la Banque mondiale en tant que directeur exécutif adjoint pour la Chine. Il y exerce par la suite diverses fonctions tout en s’élevant irrésistiblement dans la hiérarchie jusqu’à devenir, en 1997, directeur général. Double performance : il est à la fois le plus jeune directeur général et le premier Chinois à accéder à une fonction aussi élevée au sein de la Banque mondiale.
Lorsque James Wolfensohn prend les rênes de l’institution, il délègue à Shengman une grande partie des responsabilités de Sven Sandstrom (l’ancien vice-président). Avec son équipe, le haut fonctionnaire chinois définit les grandes orientations, met en place les programmes de développement et prend en charge la gestion quotidienne de l’institution.
L’arrivée de Paul Wolfowitz annonce également celle d’un nouveau staff, dont vraisemblablement deux directeurs généraux supplémentaires, l’un européen, l’autre africain. Les Européens – qui veulent être mieux représentés – plaident pour une équipe plurielle afin de contrebalancer le profil militariste du nouveau président. Mais Shengman est solidement installé aux commandes ; il est de facto le vice-président et n’a pas à craindre que les autres DG lui fassent de l’ombre. Résolu à soutenir Wolfowitz, qui jure vouloir conserver à l’institution son caractère multilatéral, Shengman devrait continuer à faire montre de son efficacité coutumière. En attendant – qui sait ? – de bousculer la coutume qui veut que la présidence de la Banque mondiale soit toujours occupée par un Américain.

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