Wolfowitz attendu au tournant

Publié le 6 juin 2005 Lecture : 2 minutes.

C’est sous l’étroite surveillance de la société civile que Paul Wolfowitz a pris officiellement ses fonctions, le 1er juin, à la tête de la Banque mondiale. Quelques dizaines de militants de la lutte contre la pauvreté et le sida ont donné de la voix devant le siège de l’organisation et remis à son nouveau président une lettre ouverte lui demandant d’annuler la dette des pays les plus pauvres. La nomination du chef de file des néoconservateurs américains, farouche partisan de la guerre en Irak, avait provoqué une levée de boucliers dans le monde entier. L’ex-secrétaire américain adjoint à la Défense a dû multiplier les déclarations apaisantes pour lisser son image. « Les révolutions pacifiques, les pressions sociales et économiques sont les moyens les plus efficaces pour mettre fin aux dictatures », a-t-il affirmé le 20 mai.
Après son départ du Pentagone, Wolfowitz a passé le plus clair de son temps à rencontrer des responsables du développement, des membres de la société civile et le personnel de la Banque mondiale pour écouter, apprendre et s’informer. Et a beaucoup surpris par ses manières policées. « Il se présente à chaque personne qu’il rencontre dans les couloirs. Récemment, il a même dit trois fois bonjour à la même personne dans la même journée », s’amuse une employée. « Wolfie » a spontanément donné son adresse électronique personnelle en invitant tous ceux qui auraient des remarques ou des questions à les lui transmettre sans tarder.
Si l’Américain fait preuve d’une grande capacité d’écoute, il s’est montré très disert sur l’orientation qu’il souhaite imprimer à l’institution, son programme et ses actions. Mais se lance dans une grande opération de séduction : « Nous serons particulièrement efficaces si nous sommes capables de placer les pays du Sud dans le siège du conducteur, pour leur permettre, avec quelques conseils techniques, de devenir eux-mêmes propriétaires de leur processus de développement. » Plus concrètement, le nouveau président a mis l’Afrique au rang de « première priorité » et prévoit d’y effectuer une tournée à la mi-juin (Afrique du Sud, Rwanda, Nigeria, Burkina et Mozambique). Il s’est également dit favorable à une augmentation de l’aide au développement pour le continent, tout en soulignant qu’elle devait s’accompagner d’une lutte contre la corruption plus efficace, d’une meilleure gouvernance et d’une plus grande ouverture des marchés locaux.
Ces belles intentions n’ont pas dissipé toutes les craintes des agents de la Banque et des diplomates européens. On redoute que l’ex-numéro deux du Pentagone ne soit là que pour appuyer la politique de George W. Bush. D’autant que la Banque devrait renforcer ses actions au Proche-Orient pour accompagner économiquement le processus de paix à Gaza et en Cisjordanie, et les sorties de crise au Liban et en Irak. Wolfowitz pourrait aussi faire barrage aux initiatives dans les pays de « l’axe du Mal », notamment l’Iran et la Corée du Nord. L’homme s’en défend et affirme qu’il préservera le caractère multilatéral de l’institution, qui emploie près de 12 000 personnes – dont 3 000 sur le terrain – et a fourni, en 2004, 20,1 milliards de dollars de financements à cent pays.

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