Rumsfeld, jusqu’à quand ?

Le secrétaire à la Défense a largement contribué à engager son pays dans la catastrophique aventure irakienne. Comment en sortir ? Il n’en a manifestement aucune idée. Sans doute devra-t-il en payer un jour le prix.

Publié le 6 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Donald Rumsfeld peut-il rester longtemps encore secrétaire à la Défense ? Sous sa direction, le système militaire des États-Unis n’a guère connu que des catastrophes. En Irak, plus de 1 600 soldats américains ont été tués et des milliers d’autres blessés dans une guerre qu’il a mal conduite, dès le début, et dont il ne sait toujours pas comment il pourra la gagner. Les généraux nous disent maintenant que les États-Unis risquent de rester embourbés entre Tigre et Euphrate pendant des années. Certains évoquent même en catimini une possible « défaite ».
Les recrues potentielles fuient les forces armées. La plupart des Américains ne veulent pas être mêlés à la malheureuse aventure de l’administration Bush en Irak. Une mère de famille du Connecticut, dont les deux fils sont à l’université, m’a confié récemment : « Mes enfants, mourir à Bagdad ? Pour quoi ? »
D’une côte à l’autre, les parents s’emploient à dissuader leurs enfants de s’engager dans l’armée. Les recruteurs, désespérés et bien souvent angoissés de n’avoir pas réussi à remplir leur quota mensuel, commencent à réviser à la baisse les critères d’admission et à engager des individus qui ne sont ni physiquement, ni mentalement, ni moralement aptes au service. Les abus sont devenus si fréquents que l’armée a récemment suspendu tout recrutement pour permettre aux recruteurs de redéfinir les normes légales et éthiques qu’ils sont censés respecter.
Après la débâcle du Vietnam, l’armée a mis des décennies à redorer son blason et à regagner le respect d’une grande majorité des Américains. Ce difficile redressement est aujourd’hui totalement remis en question. Rumsfeld a envahi l’Irak avec trop peu de troupes, dont une trop grande partie était mal entraînée et sous-équipée. On parle désormais ouvertement de soldats américains qui ont trouvé la mort à cause du mauvais blindage de leurs chars.
L’insurrection irakienne semble avoir pris le secrétaire à la Défense complètement au dépourvu. Celui-ci pensait que la guerre serait une promenade de santé. Maintenant, l’armée américaine est au fond du trou. De nombreux soldats ont fait plusieurs séjours en Irak et sont fatigués. L’insurrection demeure vigoureuse, et l’armée irakienne n’est qu’un piètre allié. Un responsable militaire indiquait récemment dans le New York Times qu’il croyait encore à la victoire, mais que celle-ci prendrait sans doute « des années ».
Comme si tout cela ne suffisait pas, il y a aussi l’affaire grotesque et profondément honteuse qui restera à jamais comme une partie de l’héritage de Rumsfeld : la manière dont les soldats américains ont traité les prisonniers dont ils avaient la garde en Irak, en Afghanistan et à Guantánamo (Cuba). Il n’y a plus aujourd’hui le moindre doute que nombre de ces soldats se sont, lors d’interrogatoires de détenus, comportés comme des sadiques, des pervers et des criminels. Au mépris de toute humanité.
Le catalogue des atrocités confirmées est énorme. Lisons seulement un paragraphe d’un récent reportage de Tim Golden dans The Times sur la torture et la mort brutale de deux prisonniers afghans entre les mains des troupes américaines : « Dans des dépositions faites sous serment aux enquêteurs de l’armée, des soldats citent le cas d’une femme chargée des interrogatoires et portée aux humiliations, piétinant le cou d’un détenu à terre et en frappant un autre sur les parties génitales. Ils parlent aussi d’un prisonnier enchaîné, forcé de se rouler sur le plancher d’une cellule pour embrasser les bottes de deux enquêteurs. Un autre prisonnier devait repêcher des bouchons en plastique dans un tonneau rempli d’eau et d’excréments, une façon de le préparer à l’interrogatoire. » Ce ne sont là que certains des moindres abus qui ont été signalés. La routine de la prétendue « guerre au terrorisme » va de ce genre d’activité à des actes de torture et à des meurtres.
Ni les soldats ni l’opinion américaine n’ont été volontaires pour une guerre en Irak qui durerait des années. Et j’ai du mal à croire que beaucoup d’Américains voulaient voir leur armée déshonorée par le déchaînement des équipes de tortionnaires.
Les soldats qui se comportent honnêtement et combattent courageusement quand ils ont à le faire ont été trahis par des dirigeants prompts à encourager des abus et à permettre des atrocités.
Rumsfeld a fourvoyé l’armée dans un bourbier ruineux, et rien n’indique qu’il soit capable de trouver un moyen honorable d’en sortir.

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