Réduire la fracture numérique

Le Sommet mondial de la société de l’information veut favoriser le partage des savoirs grâce au développement des nouvelles technologies et au projet de gouvernance de l’Internet. Rendez-vous à Tunis du 16 au 18 novembre prochain.

Publié le 6 juin 2005 Lecture : 5 minutes.

Les années 1990 ont été marquées par une révolution informatique et une généralisation de l’Internet, devenu un outil indispensable de communication, d’information, de connaissance et même de commerce. L’alliance entre l’ordinateur, le téléphone et les réseaux informatiques a donné naissance à une « société de l’information », encore balbutiante certes, mais dont l’avenir pose un énorme enjeu. Guillaume Chenevière, ancien patron de la Télévision suisse romande (TSR), le résume en une formule limpide : « La société de l’information ? Ce sera soit un partage démocratique des savoirs, soit un instrument sophistiqué de surveillance et de répression. » L’humanité est donc à la croisée des chemins. Elle devrait mieux s’organiser pour tirer profit de cette « révolution cybernétique », mais aussi pour en prévenir les dérapages.
C’est pour répondre à cette urgence qu’est née l’idée d’organiser un Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), au cours d’une conférence de l’Union internationale des télécommunications (UIT), en 1998, à Minneapolis, aux États-Unis. Trois ans plus tard, le conseil de cette institution spécialisée des Nations unies basée à Genève, en Suisse, a décidé d’organiser ce sommet en deux étapes, la première à Genève et la seconde à Tunis, en Tunisie. Sa décision n’a pas tardé à être approuvée par la résolution 56/183 de l’Assemblée générale de l’ONU, datée du 21 décembre 2001.
La première phase du sommet a déjà eu lieu à Genève, à l’invitation du gouvernement helvétique, en décembre 2003. Plus de 11 000 personnes venues de 175 pays, dont 50 chefs d’État ou de gouvernement, y ont participé. La réunion a abouti à une « Déclaration de principes » et à un « Plan d’action » visant à développer de nouveaux partenariats entre secteurs public et privé et à réduire la « fracture numérique » entre pays du Nord et du Sud, en aidant notamment les seconds à accéder à Internet et à y produire leurs propres contenus. Le « Plan d’action » est un exercice monumental qui touche à l’ensemble des activités humaines au xxie siècle, marquées par l’omniprésence de l’information : infrastructures informatiques, réseaux télécoms, coût d’accès à Internet, domaine public, codes sources, réseaux communautaires, technologies adaptées, nouveaux médias, partenariat public/privé, assistance aux pays en développement et applications relatives à l’Internet. Il touche aussi à des questions à forte connotation politique, telles que le rôle des médias, le respect de la sphère privée, la liberté d’expression, la préservation de la diversité culturelle, la cybercriminalité, la cybersurveillance…
La seconde phase du SMSI se tiendra à Tunis, à l’invitation du gouvernement tunisien, du 16 au 18 novembre prochain. Elle doit assurer le suivi des principales décisions de Genève, notamment les engagements des gouvernements à étendre les connexions aux villages, écoles, universités, hôpitaux et administrations, afin que plus de la moitié des habitants de la planète aient accès aux technologies de l’information en 2015. Elle devrait aussi aboutir à des accords sur la gouvernance de l’Internet et à des mesures concrètes – c’est-à-dire des financements – pour réduire la « fracture numérique ». Les participants devraient aussi identifier les moyens pour accélérer la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement en utilisant les technologies de l’information et de la communication. Traduire : améliorer la qualité de la vie et éradiquer la pauvreté en créant les opportunités d’accès, d’utilisation et de partage du savoir. Lors de la réunion de Genève, le président sénégalais Abdoulaye Wade avait proposé la création d’un Fonds de solidarité numérique (FSN), afin de compléter les mécanismes existants de financement de la société de l’information et accélérer la mise en place des infrastructures et des services TIC dans les pays du Sud. Inauguré, le 14 mars dernier, par le Nigérian Olusegun Obasanjo, président en exercice de l’Union africaine, ce fonds est géré par une fondation basée à Genève, qui décidera des critères de contribution et de l’utilisation des fonds qui seront collectés.
S’agissant de la gouvernance de l’Internet, ce thème recouvre une multitude de problèmes qui vont au-delà de l’assignation d’adresses IP et de noms de domaine. Il s’agit de mettre en place une gouvernance équitable et multipartite du réseau Internet, en tenant compte des différentes évolutions techniques, technologiques et sociales. Et d’en permettre une gestion non centralisée, multilingue, transparente et mutuellement profitable. Les dispositions régissant actuellement la Toile sont loin de répondre à ces exigences. Elles devraient donc être améliorées. Les propositions en ce sens ne manquent pas. Elles seront soumises à l’avis des États, et un accord global à leur sujet devrait être signé à Tunis.
À l’international, les préparatifs de la seconde phase du SMSI vont bon train. Leur organisation bénéficie d’une étroite collaboration entre le Comité d’organisation, présidé par Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, la direction de l’UIT et le secrétariat exécutif mis en place en Tunisie. On s’attend à une participation de plus d’une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement, ainsi que des représentants d’organisations internationales, d’ONG, de la société civile, des médias et du secteur privé.
Le sommet, dont l’objectif est de mettre en route un processus réellement multipartite et consensuel, a été précédé de nombreuses réunions préparatoires, de consultations et de négociations. Il y a eu ainsi deux réunions du Comité de préparation (PrepCom), à Hammamet, en juin 2004, et à Genève, en février 2005. Le Comité doit se réunir à nouveau fin septembre à Genève. En outre, plusieurs conférences régionales et sous-régionales ont permis aux autorités et acteurs locaux de préparer leur participation au SMSI 2005. Pour le continent, la principale s’est tenue à Accra, au Ghana, en février dernier. Mais Bamako, la capitale du Mali, accueillait aussi en mai, sous l’impulsion de l’Unesco, un symposium intitulé : Multilinguisme pour la diversité culturelle et la participation de tous dans le cyberespace. Depuis le début de l’année, de nombreux autres thèmes ont été traités de manière similaire à travers le monde. Parmi les grandes villes concernées, citons Le Caire, en Égypte, Ottawa et Winnipeg, au Canada, Kuala Lumpur, en Malaisie, Rio de Janeiro, au Brésil, ou encore Paris et Tokyo.
D’autres réunions préparatoires sont prévues au cours des mois à venir, notamment celle qui sera organisée par l’UIT, à Genève, du 28 juin au 1er juillet , sur la cybersécurité. Y seront notamment abordées les questions portant sur les normes techniques, la confidentialité des données, la lutte contre les spams et les virus, la protection du consommateur et l’assistance aux pays en développement dans ce domaine sensible.
De leur côté, les responsables tunisiens ne ménagent aucun effort pour assurer la réussite de cet événement international. Ils espèrent en profiter pour montrer le chemin parcouru par leur pays sur la voie de l’édification de la société de l’information et du savoir. La perspective du sommet leur fournit un motif suffisant pour renforcer les infrastructures du pays, afin de le montrer sous son meilleur jour technologique. Enfin, les opérateurs privés locaux attendent impatiemment le SMSI. Ils aimeraient mettre à profit ce grand rendez-vous avec leurs homologues étrangers pour montrer leur savoir-faire et, éventuellement, mettre en route des projets de partenariat.

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