Rabat aux rythmes du monde

Avec le festival Mawazine, dont la 4e édition s’est tenue du 19 au 25 mai, la capitale marocaine affirme sa présence culturelle internationale. Rencontre avec Chérif Khaznadar, directeur artistique de la manifestation.

Publié le 6 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Du 19 au 25 mai, Rabat a accueilli la quatrième édition du festival international Mawazine, dédié aux rythmes du monde et présidé par Abdeljalil Lahjomri, à la tête de l’association « Maroc Cultures ». La Cap-Verdienne Lura, la Béninoise Angélique Kidjo, le groupe espagnol Radio Tarifa et de nombreux musiciens et danseurs de tous les continents (notamment de l’Asie) se sont approprié l’espace public de la capitale pour de nombreux concerts et représentations.
Il revenait à Chérif Khaznadar, directeur artistique de Mawazine 2005, d’expliquer la vocation spécifique de la manifestation. Né à Alep (Syrie), romancier, dramaturge, critique littéraire, le responsable de la Maison des cultures du monde, à Paris, déniche depuis un quart de siècle, sur les scènes du monde entier, les formes traditionnelles ou contemporaines du génie des peuples.

Jeune Afrique/L’intelligent : Comment Mawazine s’inscrit-il parmi tous les autres festivals organisés au Maroc ?
Chérif Khaznadar : Nous avons bien sûr tenu compte, dans les quatre éditions de Mawazine, des nombreuses propositions offertes chaque année au Maroc. D’abord, en nous abstenant d’intervenir sur le « territoire » des autres, qu’il s’agisse des musiques sacrées – comme à Fès -, du jazz – comme aux Oudayas à Rabat -, des colloques – comme à Asilah -, du cinéma – comme à Marrakech – de la musique gnaoua comme à Essaouira -, etc. Notre identité propre est d’abord le fruit de la mission qui nous a été confiée par l’association Maroc Cultures, laquelle se fait l’écho de la volonté royale de donner une présence dramatique et musicale de portée internationale à Rabat. Et ce en y présentant des artistes de renommée planétaire, alors même qu’ils sont enracinés dans une culture qui leur est spécifique.
J.A.I. : La proximité avec le Palais n’est-elle pas susceptible d’influer sur votre programmation ?
C.K. : Si c’était le cas, ce ne serait certainement pas avec moi que vous pourriez en parler ! En fait, aucun cahier des charges d’aucune sorte ne nous est imposé. Notre seule obligation est celle de répondre, comme les autres festivals, à la demande des artistes marocains en leur réservant un quart de notre programmation. Pour le reste, je m’efforce de montrer ici les moments forts de cultures peu connues, en contrepoint de spectacles et de personnalités très populaires, comme, par exemple, le groupe mongol Altaï-Khangaï et Angélique Kidjo. Et nous faisons en sorte que ce soit dans des lieux singuliers, qui entrent en résonance avec les spectacles présentés. Nous disposons à Rabat d’une large gamme de salles, de scènes et de sites qui nous permettent de toucher différents publics de différentes manières, du plus « difficile » au plus populaire.
J.A.I. : En quoi Mawazine est-il un festival spécifiquement marocain ?
C.K. : Je m’efforce de composer une programmation qui me paraît susceptible de trouver ici son écho. Ou d’apporter à un public souvent démuni la preuve qu’avec peu de moyens mais beaucoup de talent l’imaginaire peut devenir de l’art. Je pense aux percussionnistes allemands de Bando qui ont « fait un tabac » en frappant avec des bâtons sur des bidons de gasoil. Ou même aux marionnettes à fils de Mandalay, qui nous viennent de Birmanie.
Mais ce qui est particulier au Maroc, c’est avant tout la qualité de « l’oreille » du public : la foule a le sens du rythme et de la musique, ce qui lui donne un sens critique très exact, jusque dans des sons qui lui étaient inconnus. Impossible de tricher. Et puis, les troupes que nous invitons à Rabat n’en reviennent pas de la qualité de l’accueil qui leur est fait. J’ai vu des chanteurs en larmes dans les coulisses, j’ai vu des musiciens fous de joie qui n’avaient jamais eu « ça » ! Et je me souviens du Nigérian Fataï Rolling Dollars, 70 ans sonnés, dont l’agent avait exigé qu’il ne reste pas en scène plus de quarante-cinq minutes et qu’il a fallu exfiltrer au bout de deux heures !
J.A.I. : Y a-t-il des changements que vous souhaitez apporter à l’édition 2006 de Mawazine ?
C.K. : Peut-être des aménagements au système actuel de gratuité totale, qui revient parfois à réserver aux invités des lieux trop exigus pour qu’on y admette tout le monde. Sinon, je ne peux rien souhaiter d’autre que de nouveaux émerveillements, de nouvelles découvertes, de nouvelles surprises…

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