Nuit sanglante à Duékoué

Publié le 6 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Quarante, cinquante, soixante-dix morts, peut-être davantage Le décompte macabre ajoute encore à l’horreur de la tuerie qui a ensanglanté, dans la nuit du 1er au 2 juin, la région de Duékoué (Ouest) et dont on ne connaîtra sans doute jamais le bilan exact. Pas plus qu’on n’en établira les raisons : tensions interethniques entre populations autochtones, allogènes et immigrées ? Attaque de milices et autres groupes d’autodéfense
comme le Front de libération du Grand Ouest (FLGO), l’Alliance des patriotes wê (APWE), l’Union patriotique de résistance du Grand Ouest (UPRGO), ou encore le Mouvement ivoirien
pour la libération de l’ouest de la Côte d’Ivoire (Miloci) ? Incursion d’éléments rebelles
venus du Nord pour provoquer les forces gouvernementales et leurs supplétifs, maîtres dans cette partie du pays, à la limite de la zone de confiance sous contrôle des troupes françaises et des Casques bleus ? Le communiqué de la présidence daté du 3 juin l’affirme, qui insiste sur le modus operandi des rebelles et leurs précédentes exactions.

Une seule certitude : les armes ne manquent pas et circulent librement. Ce massacre était donc prévisible, d’autant que les affrontements sanglants sont récurrents dans l’Ouest, depuis l’éclatement, le 19 septembre 2002, de la crise politico-militaire. Tantôt ce sont les autochtones guérés qui s’opposent aux Baoulés, Dioulas, Sénoufos, Lobis ou Mossis pour l’exploitation des plantations de cacao ou de café. Tantôt c’est un racket des forces de défense et de sécurité ou d’un groupe de miliciens qui tourne mal. Ainsi de ce commerçant sénoufo abattu le 27 mai dans sa boutique après avoir été dévalisé. Ou de ce mouvement de grève des transporteurs dioulas, las de se voir régulièrement délestés de
tout ou partie de leurs recettes, qui dégénère et fait plusieurs dizaines de morts. Les massacres de ce début de juin font suite à l’assassinat de quatre planteurs allogènes,
originaires du Nord. Mais cette fois, l’ampleur du bilan marque un nouveau palier dans l’escalade de la violence et fait craindre le pire : le blocage du processus de paix relancé par la signature, le 6 avril, de l’accord de Pretoria.

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Pour l’heure, c’est l’opération Désarmement, démobilisation, réinsertion (DDR) qui connaît un coup d’arrêt elle devait démarrer le 25 mai. De là à penser que ces tueries n’avaient d’autre but que celui-là, il n’y a qu’un pas, que certains n’hésitent pas à franchir. Ils accusent des responsables politiques proches du pouvoir de financer et de manipuler milices et groupes d’autodéfense pour vider la région de ses « étrangers » (Dioulas, Sénoufos, Baoulés) dans la perspective de la présidentielle prévue en octobre prochain.

Résultat : ces bandes refusent de déposer les armes aussi longtemps que les Forces nouvelles (ex-rébellion) n’en auront pas fait autant. Mais aussi parce qu’elles souhaitent bénéficier des dispositions du DDR dont, outre la réinsertion, la prime de 900
à 1000 dollars promise à tout combattant qui accepte d’être désarmé. L’appât du gain est
tel qu’au sein des troupes onusiennes et françaises la crainte se fait jour de voir
d’ex-rebelles libériens venir se faire désarmer dans cette région voisine de l’Ouest ivoirien où l’on paie deux fois mieux le kalachnikov rendu. La confusion est générale au
moment où le Conseil de sécurité de l’ONU, pour la troisième fois d’affilée, reconduit
pour un mois le mandat des Casques bleus en Côte d’Ivoire. Et adopte un projet de résolution prévoyant la mise en place d’un dispositif précis de surveillance des
consultations électorales avec, à la clé, la désignation d’un « haut représentant de la
communauté internationale pour les élections en Côte d’Ivoire », dont le rôle sera
distinct mais complémentaire de celui du Suédois Pierre Schori, représentant spécial de Kofi Annan dans le pays.
Mais on n’en est pas encore là, loin s’en faut. À la sanglante instabilité dans l’Ouest
répond l’insécurité dans le reste du pays. À commencer par Abidjan.

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