Nid douillet pour VIP

Sous l’impulsion de Patrice Binet-Decamps, le groupe hôtelier mauricien ne cesse de repousser les limites du luxe. Clientèle ciblée : personnalités et milliardaires en mal de discrétion.

Publié le 6 juin 2005 Lecture : 4 minutes.

Le silence est d’or. Pour l’avoir compris bien avant les stars, aujourd’hui traquées jusqu’au bout du monde par les fans, les médias et les paparazzi, Patrice Binet-Decamps a imposé un style nouveau au développement touristique de l’île Maurice. Sous son impulsion, le groupe Constance, né de l’exploitation de la canne à sucre, autrefois principale richesse du pays, ne cesse de repousser les limites du luxe dans l’hôtellerie contemporaine. Pas d’esbroufe : l’homme n’est pas de ces faiseurs de tendances qui imposent leur philosophie. Profession ? « Baroudeur », répond-il avec un large sourire. Enfant, il a tellement voyagé dans le sillage de son père, cadre d’Air France, qu’il a du mal à se souvenir en détail de son cursus scolaire. Le bac à Paris, suivi d’une maîtrise en histoire et géographie… Mais c’est à un DESS en marketing et finance qu’il doit d’avoir été embauché par Novotel en 1979. Il a 30 ans. L’enseigne, qui, à l’époque, se lance en Afrique, le nomme au Gabon, au Cameroun, à la Réunion, puis à Oman et à Singapour. Le groupe Accor se constitue et lui demande de développer Sofitel au Gabon. Son visage hâlé garde quelques cicatrices d’un accident d’avion survenu en 1989 entre Lambaréné et Libreville. Il veut rentrer en France. Un chasseur de têtes lui parle de l’hôtel Belle Mare Plage, à Maurice…
« Un vieux quatre étoiles qui tient la route », se dit Patrice Binet- Decamps, en juin 1992, quand il en prend la direction. Ses nouveaux patrons sont propriétaires du groupe Constance, aux capitaux 100 % mauriciens. Leur volonté de se diversifier les a orientés vers l’hôtellerie, et ils ont construit cet établissement de 179 chambres, situé sur l’une des plus belles plages de l’île. Il est question, maintenant, de passer à la vitesse supérieure. Au lieu de revoir l’équipement de fond en comble, le nouveau directeur général propose d’y ajouter un superbe parcours de golf. Sans être révolutionnaire – un autre établissement de l’île dispose déjà d’un tel terrain -, le projet est très novateur : il ne vise pas à accroître le chiffre d’affaires du Belle Mare en multipliant le nombre de chambres, mais à améliorer sa rentabilité en visant une clientèle plus fortunée. « Un an et demi après, nous avons compris que c’était gagné », commente Patrice Binet-Decamps, qui se sent alors en mesure de mobiliser plus d’investissements. Il a déjà repéré le site : un terrain inoccupé en bord de mer, naturellement isolé puisque résultant d’une ancienne coulée de lave. Il veut en faire un endroit exclusif.
Patrice Binet-Decamps a une vision moderne du luxe, dont le futur Prince Maurice est l’une des expressions. Il travaille un an sur le concept, s’entoure de noms prestigieux de la décoration et de l’architecture, sans oublier quelques spécialistes de l’éclairage, de la parfumerie ou encore des appareils électroniques (téléphone, télévision, Internet…). Pour finir de convaincre son conseil d’administration de débourser les 35 millions d’euros nécessaires, il l’emmène en Asie pour lui montrer quelques réussites. Il veut bâtir un hôtel haut de gamme, certes, mais aussi un établissement hors pair, multipliant les attentions jusque dans les moindres détails. Ici, pas de chambres, mais des suites ou des villas où l’on se sent « chez soi » : matériaux nobles, style harmonieux inspiré du même thème, la Route des épices, qui donne des couleurs, des senteurs, des variétés de décors…
Le Prince Maurice ouvre ses portes en novembre 1998. Scepticisme de la profession mauricienne : « Ça ne marchera jamais ! » Pourtant, l’hôtel fait son entrée dans le prestigieux Guide des Relais & Châteaux, qui propose 440 destinations uniques au monde. Dans la foulée, le groupe Constance, par ailleurs assez discret sur les questions comptables, inaugure, un an plus tard, le Lemuria Resort, aux Seychelles. Une centaine de suites, huit villas exclusives, autant de cocons de bien-être et d’intimité, avec jardin, piscine et plage privés, pour un coût total de 50 millions d’euros. Patrice Binet-Decamps se lance ensuite dans la refonte complète du premier hôtel du groupe, qu’il veut tout autant remarquable que les deux autres. Reconstruit et repensé, doté d’un second parcours de golf et du premier restaurant gastronomique de l’île, le Belle Mare Resort ouvre fin 2001. Depuis, il connaît un taux de remplissage annuel de 87 %, une moyenne exceptionnelle pour cette catégorie.
Le groupe Constance et Patrice Binet-Decamps ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Leur clientèle est bien ciblée et apprécie leurs prestations. Il s’agit maintenant de lui offrir d’autres alternatives. Et tenter d’élargir la prospection commerciale aux États-Unis – 5 % seulement des clients sont américains. Direction les grands espaces, en l’occurrence la réserve d’Etosha, en Namibie. En 2007, elle accueillera quatre lodges, ces villages de tentes ultraconfortables et luxueuses qui séduisent tant les Américains. La même année, un autre somptueux établissement ouvrira au coeur du vignoble de Stellenbosch, en Afrique du Sud, non loin du Cap. Un ensemble de 35 suites et 25 villas, chacune dotée d’une piscine privée. Au programme : détente et gastronomie sous la houlette des plus grands chefs. Comme dans tous les établissements du groupe, un soin particulier aura été apporté à l’innovation dans le décor et l’architecture, ainsi qu’au respect de la discrétion la plus absolue sur la qualité des convives. Car le vrai luxe, pour Patrice Binet-Decamps, est de « vivre dans un endroit à la mode, mais pas dans celui dont tout le monde parle ». Voilà pourquoi stars et milliardaires se précipitent « chez lui ».

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires