Lomé fustige Konaré…

Alors que le président de la Commission de l’Union africaine émet des réserves sur la légitimité du régime, les autorités se défendent avec virulence. Et ouvrent une enquête.

Publié le 6 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

La piqûre de rappel qu’Alpha Oumar Konaré, le président de la Commission de l’Union africaine (UA), a administrée, le 1er juin, aux nouveaux dirigeants togolais ne les a pas laissés de marbre. Leur sang n’a fait qu’un tour, qui les a menés sur l’antenne de Radio France Internationale (RFI), laquelle avait diffusé les propos de Konaré. Le ministre de la Communication, Pitang Tchalla, « surpris et ahuri d’entendre Konaré parler de légitimité du pouvoir au Togo », sort la grosse artillerie, ramène l’ancien chef de l’État malien à un simple fonctionnaire et sa sortie à un « règlement de comptes posthume » avec le défunt président Eyadéma, dont la voix, au sommet de l’UA de juillet 2003 à Maputo, lui avait fait défaut dans la course à la présidence de l’organisation panafricaine.
La charge, lourde – atténuée d’ailleurs au montage par RFI -, peut surprendre, car, une semaine plus tôt, l’UA avait levé les sanctions imposées le 25 février au Togo à la suite de l’accession controversée au pouvoir de Faure Gnassingbé. Mais, pour les autorités togolaises, elle est à la hauteur d’un Konaré qui passe à leurs yeux pour un pyromane récidiviste. Au lendemain de la disparition, le 5 février, du président Eyadéma, il a été le premier à indiquer : « Ce qui est en cours au Togo, appelons les choses par leur nom, c’est une prise de pouvoir par l’armée, un coup d’État militaire… » Avant d’inviter à « l’organisation d’élections que nous souhaitons régulières, transparentes, ouvertes et sans exclusive ». « Tous ceux qui veulent être président peuvent participer dans ce contexte à ces élections… » Y compris Gilchrist Olympio, le chef de file de l’Union des forces de changement (UFC).
Il n’en sera rien, mais le simple fait d’évoquer le nom de ce dernier est en soi un casus belli. D’autant que le 9 février, à Niamey, lors du sommet extraordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le président de la Commission de l’UA sera en première ligne pour réclamer des sanctions contre le Togo. Car, pour lui, l’Afrique « doit définitivement dire non aux coups d’État, pour lesquels nous devons prôner la tolérance zéro. Pour ce faire, nous devons veiller à ce que partout la légalité se pare de légitimité. […] Si ce n’était pas le cas, nous ouvririons la voie à une épidémie de coups d’État, de révolutions de palais, de manipulations constitutionnelles… » Et Konaré de s’en prendre aux aventuriers d’Afrique, « ces nouveaux mercenaires en col blanc » qui conseillent les chefs d’État, citant nommément Charles Debbasch, accusé d’être à l’origine du tour de passe-passe constitutionnel au Togo.
Voilà qui réjouit les uns, agace prodigieusement les autres, mais confirme que Konaré entend afficher ses convictions de démocrate et être sur tous les fronts. Il se veut le gardien de la table des lois de l’UA, dont la déclaration d’Alger de juillet 1999, réitérée l’année suivante… à Lomé, qui refuse toute prise anticonstitutionnelle du pouvoir. Fort de ce principe, il n’hésite pas à aller plus loin en réaffirmant, le 21 février, les réserves de l’UA sur toute élection organisée dans les conditions énoncées par les autorités issues du « coup d’État militaire » survenu au Togo le 5 février. Le camp des pragmatiques fronce les sourcils, à commencer par le secrétariat exécutif de la Cedeao et par Olusegun Obasanjo, le président en exercice de l’UA, qui ne peuvent plus se dérober après le retour de la légalité constitutionnelle à Lomé. Il laisse faire et ne dit rien, mais reste circonspect sur la sincérité du pouvoir togolais à organiser un scrutin présidentiel honnête.
La controverse et les condamnations qui ont entouré le déroulement de celui-ci, le 24 avril, donnent raison au président de la Commission de l’UA. La situation de blocage qui prévaut aujourd’hui dans le pays, également. Il ne se prononce pas pour autant sur la question de savoir si Faure Gnassingbé a été ou non mal élu. Mais il précise à RFI : « Je pense que le temps et les enquêtes à venir vont démontrer cela. Nous en saurons certainement plus sur les conditions d’organisation des élections. » De fait, une enquête nationale est déjà mise en place (voir ci-dessous) et une autre, internationale celle-là, est demandée au Conseil de sécurité des Nations unies. Konaré appuie la démarche et, en attendant, annonce le 1er juin la nomination de l’ancien président zambien, Kenneth Kaunda, comme envoyé spécial de l’UA au Togo pour « faciliter le dialogue » entre pouvoir et opposition. Une offre de service qui pourrait calmer le jeu à Lomé. Et mettre un terme à la guéguerre entre le nouveau régime togolais et le président de la Commission de l’UA ?

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