La saga des centres d’appels
Visite guidée dans les arcanes de Tunis Call Center, l’un des pionniers du secteur. Depuis 1999, année de démarrage de l’activité, cette société, comme toutes ses consoeurs, ne connaît aucun problème de recrutement.
Quartier de Montplaisir, au 16 bis de la rue du Docteur-Laveran, Tunis… Quitte à visiter un centre d’appels tunisien pour comprendre l’importance de cette activité qui représente 50 entreprises et 3 500 emplois dans le pays, autant commencer par le pionnier. L’entrée de Tunis Call Center (TCC) se trouve au premier étage du petit immeuble cossu. Le bruit de la porte qui s’ouvre distrait de leur travail quelques opérateurs et suscite un peu d’agitation dans les open spaces où scintillent les écrans plats. De jeunes visages se tournent pour examiner l’intrus. Sans pour autant cesser de pianoter sur le clavier ou de discuter avec un client, casque-micro bien en place. Dans la salle de repos, d’autres se détendent : café, cigarette, fond musical. Des étudiants et étudiantes diplômés bac+2 ou bac+4, en sciences ou sciences humaines. En attendant de trouver un emploi correspondant mieux à leurs aspirations, ils sont bien contents d’empocher les 350 à 400 dinars (220 à 250 euros) que TCC leur verse chaque mois. « Pour quarante heures hebdomadaires », souligne, dans un français impeccable, une des jeunes filles.
Encore quelques minutes à patienter avant que Zouhir Mouelhi, directeur général de TCC, ne fasse son entrée. Juste le temps d’apprendre les origines de l’un des tout premiers centres d’appels tunisien. À l’époque, Tunisie Leasing (TL) voulait dynamiser ses activités de crédit-bail et, pour cela, créer un centre téléphonique de relation client. Multilingual Conseil, une filiale du français Téléperformance – l’un des ténors du secteur – s’était chargé de l’opération, menant à l’inauguration, en 1998, de 10 postes de travail. L’année suivante, la société de leasing décidait de filialiser cette activité (l’externaliser, suivant l’expression consacrée), donnant naissance à Tunis Call Center. Au fait, c’était bien en 1999 ? « Oui, oui », répond la secrétaire. « Et c’est là que j’interviens, puisque l’année suivante j’arrive pour prendre la tête de la filiale ! » Tout feu, tout flamme, Zouhir Mouelhi fait irruption.
Après avoir travaillé en France pour des SSII, cet ancien de la Sorbonne, où il a obtenu un DESS de gestion en 1994, voulait revenir au pays. L’offre de TCC tombait à point nommé. Même si les premières années ont été « un peu difficiles », précise le DG, avec une légère pointe d’accent parisien. En fait, le marché a vraiment décollé fin 2000, avec… l’implantation en Tunisie du poids lourd Téléperformance (près de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2004). Plutôt que de s’inquiéter de l’irruption d’un concurrent pareil, Mouelhi se réjouit d’avoir un nouveau confrère. L’augmentation de trafic qui va en résulter peut convaincre Tunisie Télécom de baisser ses tarifs, notamment ceux des liaisons internationales qui permettent aux entreprises de communiquer avec l’étranger. Tout le monde en a profité. Autres coups d’accélérateur, la baisse des tarifs de France Télécom sur la Tunisie et les différentes incitations fiscales mises en oeuvre par l’État (voir encadré). « C’est là qu’on a senti que l’activité démarrait. Depuis le début de cette année, elle a carrément explosé ! »
Reste que, comme dans l’informatique, le marché local ne suit pas. Quiconque se balade dans Tunis peut en faire le constat, rien qu’en levant la tête : aucun numéro de téléphone sur les innombrables panneaux publicitaires installés dans la ville pour le compte des banques, des assurances, des distributeurs ou des groupes agroalimentaires… Ce qui témoigne que ces grandes sociétés n’ont pas encore jugé opportun de mettre en place un centre d’appels pour personnaliser leurs relations avec les clients ou en conquérir de nouveaux. Ont-elles l’intention de le faire ? Tout le monde l’espère. En attendant, les débouchés se trouvent à l’étranger. En jouant sur une main-d’oeuvre moins chère, une réglementation du travail adaptée (voir encadré) et, surtout, sur le bilinguisme, les centres d’appels tunisiens sont parvenus à se tailler une place de choix sur le marché français. Pour décrocher les contrats, les centres démarchent directement auprès des entreprises, notamment les fournisseurs d’accès à Internet en France. Et, depuis quelque temps, il leur arrive également de signer avec d’autres call centers, notamment français, qui sous-traitent une partie de leur charge de travail à leurs collègues tunisiens. En pleine croissance, le marché est suffisamment vaste pour que tout le monde en vive et que les meilleurs grandissent. TCC prévoit par exemple d’augmenter le nombre de ses postes de travail d’ici à la fin de l’année. Les campagnes de recrutement sont presque inutiles, puisque les candidatures n’arrêtent pas d’affluer : « On a souvent dix demandes pour une seule offre », explique Zouhir Mouelhi. La porte d’entrée qui s’ouvre l’interrompt et suscite un nouveau bruissement dans les bureaux. Deux candidats se présentent pour un entretien d’embauche. Le métier – ou le salaire – suscite les vocations.
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