… et appelle Joseph Koffigoh à la rescousse

Publié le 6 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Joseph Koffigoh, le retour ? À première vue, une Commission nationale d’enquête sur les violences postélectorales présidée par l’ancien Premier ministre de transition a quelque chose de séduisant. Pour beaucoup, Joseph Koffigoh reste l’homme qui a failli être tué pendant l’assaut meurtrier de la primature par les militaires fidèles au président Eyadéma en décembre 1991. Il peut être un gage d’indépendance. Pour le président Faure Gnassingbé, qui l’a longuement reçu en tête à tête il y a quelques jours, il représente donc une carte intéressante dans son dispositif de reconquête de l’opinion internationale.
Cela dit, le rescapé de la primature est un homme très controversé. Après l’affrontement de 1991, il s’est rallié au régime. Comme « Premier ministre de crise », il a aidé le général Eyadéma à casser la grève générale de 1993. Puis il a été successivement son ministre des Affaires étrangères (1998-2000) et son ministre de l’Intégration régionale (2000-2002). Certes, son bilan n’est pas entièrement négatif. « Les seules élections démocratiques de l’histoire récente de ce pays, ce sont les législatives que j’ai organisées en 1994 et que l’opposition a emportées », dit-il. Mais pour ses anciens compagnons de la Conférence nationale de 1991, il reste « un traître ». « S’il était resté le Koffigoh des années 1989-1991, il aurait pu devenir un symbole, mais il a été récupéré, et maintenant c’est trop tard », lâche l’opposant Léopold Gnininvi de la CDPA (Convention démocratique des peuples africains).
En réalité, la Commission nationale d’enquête souffre d’un autre mal. Plus grave. Elle a un problème de paternité. « Faure Gnassingbé ordonne les violences, puis il crée une commission pour enquêter sur ces violences. Ce n’est pas crédible. On ne peut pas être juge et partie », lance Togoata Apedo-Amah, le secrétaire général de la Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH). « La preuve, plusieurs des membres de cette Commission sont proches du pouvoir, à commencer par les représentants de la Commission nationale des droits de l’homme – un organe d’État – et du Mouvement togolais de défense des libertés et des droits de l’homme (MTDLDH) – une création du régime. Concrètement, cette nouvelle Commission ne pourra pas mener d’investigations dans les casernes, car les militaires qui sont prêts à témoigner auront trop peur d’être mouchardés par l’un des enquêteurs ! » ajoute le militant des droits de l’homme.
Combien de Togolais ont été tués avant et après l’élection présidentielle du 24 avril dernier ? La querelle des chiffres bat son plein : 58 morts selon le MTDLDH, 811 selon la LTDH. Seule certitude, les journalistes n’ont pas eu accès aux morgues pendant ces deux terribles journées des 26 et 27 avril où les partisans de l’opposition ont explosé de colère. La FIDH (Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme) parle de « plusieurs centaines de morts » parmi les civils et ajoute que « quelques victimes d’exécutions sommaires sont aussi à déplorer dans les rangs des forces armées ». Outre Lomé, les villes de Kpalimé et Aného – le fief du candidat de l’opposition Emmanuel Akitani Bob – ont vécu aussi des journées d’une rare violence.
Aujourd’hui, la répression a changé de nature. « On ne tire plus, mais on procède à des arrestations ciblées », affirme un observateur occidental à Lomé. « La nuit, les militaires n’hésitent pas à escalader un mur et à fracasser une porte pour aller cueillir quelqu’un chez lui », affirme la LTDH. « Quelquefois, ils vont même jusqu’à chercher un jeune dans une salle de classe. » Résultat : de nombreux Togolais continuent de fuir à l’étranger. Fin mai, près de 24 000 d’entre eux étaient recensés par le HCR (Haut-Commissariat pour les réfugiés) dans les deux pays voisins, le Bénin et le Ghana. « Avant, on voyait arriver des familles qui fuyaient les affrontements. Depuis deux semaines, on accueille surtout des jeunes qui craignent d’être arrêtés chez eux après avoir été « doigtés » par un membre du parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple togolais [RPT] », dit un travailleur humanitaire basé au Bénin.
Avant tout dialogue avec le pouvoir, la Coalition de l’opposition exige aujourd’hui la libération de ces détenus. Quant à la LTDH et la FIDH, elles réclament une Commission d’enquête internationale sur les violences de ces deux derniers mois. Elles viennent d’obtenir un renfort de poids : celui du président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré. A priori, leur démarche a peu de chances d’aboutir. Mais demain, qui sait ? Si l’un des chefs de la Coalition de l’opposition prend la tête d’un gouvernement d’union nationale, la donne pourra changer.

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