Christiane Bitougat

Cette syndicaliste gabonaise entend porter sur le terrain social le débat de la campagne pour l’élection présidentielle de décembre prochain.

Publié le 6 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

« Le climat social est tendu. » Après deux mouvements de grève successifs dans plusieurs hôpitaux du pays et à l’université Omar-Bongo- Ondimba de Libreville, Christiane Bitougat, présidente de l’Union des syndicats de l’administration publique, privée et parapublique (Usap) au Gabon, n’a pas l’intention de lâcher prise. Au contraire. À sept mois de l’élection présidentielle, l’occasion est trop belle. « Le 2 mai, au lendemain de la Fête du travail, nous avons été reçus par le président Omar Bongo Ondimba pour lui remettre un mémorandum et lui présenter l’inventaire de nos revendications. » La voix légèrement cassée, mais le verbe haut, cet ancien professeur d’histoire-géographie qui a délaissé l’estrade et le tableau noir pour les salles de réunion surchauffées et les tribunes syndicales témoigne d’une redoutable efficacité lorsqu’il s’agit de monter au créneau. Toujours prête à répondre aux questions des journalistes malgré un emploi du temps de ministre, séductrice avec les uns, très ferme et même autoritaire avec les autres, Christiane Bitougat est devenue « incontournable », selon un observateur du marigot gabonais, qui reconnaît « son talent, mais aussi sa roublardise ».
Tout a commencé en 1990 avec la Conférence nationale, l’instauration du multipartisme et la liberté syndicale. « Depuis, je n’ai pas cessé de me battre pour la justice sociale dans un pays où les écarts de revenus sont trop importants avec un salaire minimum de 44 000 F CFA seulement [67 euros], un taux de chômage de 22 % et aucune protection sociale pour les plus faibles », affirme cette mère de trois enfants, âgée de 43 ans. Son mari, Théophile Mba Andeme, se trouve être le directeur de cabinet du Premier ministre, Jean-François Ntoutoune Emane, et Christiane Bitougat ne supporte pas qu’on lui pose des questions insidieuses à ce sujet : « Je refuse que l’on mette en avant les fonctions de mon mari pour discréditer mon engagement syndical bien antérieur. » La chronologie lui donne raison et force est de constater qu’elle ne ménage pas le pouvoir. « Il y a trop de combines au Gabon. La mauvaise gestion, le vol ont conduit au désordre dans l’éducation. En matière de santé, la situation est catastrophique, et il suffit d’aller aux urgences dans les hôpitaux pour s’en convaincre, alors que les derniers états généraux organisés par la ministre de la Santé n’ont servi à rien. Au final, c’est la population qui supporte les conséquences de cette gabegie : la pauvreté n’est plus rampante, elle est galopante. Comment se fait-il que le pouvoir soit si insensible ? » s’interroge cette militante de la première heure qui dénonce « le train de vie de l’État, les gouvernements pléthoriques et les cabinets ministériels aux conseillers innombrables ».
Le réquisitoire se veut sans concession, et la menace qui suit est à peine voilée. « La trêve sociale risque de voler en éclats si cela continue. » Cet accord signé en septembre 2003 devait mettre en sourdine les revendications catégorielles sur une durée de trois ans pour donner un peu de répit aux autorités, permettre de redresser l’économie, assainir les finances publiques et faciliter les négociations avec le Fonds monétaire international. « Nous avons accepté ce texte, mais aujourd’hui notre patience est à bout », estime Christiane Bitougat, dont le syndicat dénonce notamment l’absence d’effort pour l’amélioration des conditions de vie et l’inertie du gouvernement. Dans ces conditions, l’heure n’est plus à la conciliation, mais à l’épreuve de force. Il faut dire que le calendrier politique avec l’élection présidentielle en décembre offre une opportunité dont tout bon syndicaliste doit se saisir. Une intersyndicale regroupant plusieurs mouvements est en préparation, « pour faire pression, négocier avec le gouvernement, peser sur la campagne électorale et aboutir à un pacte avant le scrutin ». Si nous n’obtenons pas gain de cause, « des grèves sont envisagées et nous lancerons des mots d’ordre, à commencer dans l’éducation durant les examens », avertit Christiane Bitougat.

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