Vos lettres ou courriels sélectionnés et présentés par Valérie Thorin

Publié le 7 mars 2006 Lecture : 9 minutes.

Foi et liberté
Le numéro 2350 de J.A. nous apprend que Fethi Benslama s’indigne, dans son livre Déclaration d’insoumission à l’usage des musulmans et de ceux qui ne le sont pas, de la traduction du mot « islam » par « soumission ». Or la nuance est importante : le musulman se soumet uniquement au Créateur et, par conséquent, se libère de toute soumission aux créatures, dont les hommes. La foi est donc synonyme de libération vis-à-vis de toute soumission intellectuelle, politique ou économique. Il est vrai cependant que la traduction exclusive par « soumission » occulte l’aspect « amour » de la foi islamique, dont les piliers sont la crainte et l’amour envers Allah.
Arius, Tunis, Tunisie

Hommage à Cheikh Anta Diop
Un jour béni de l’année 1923, en Afrique, un garçon naquit dans l’émoi
Son esprit alerte et prompt aux exploits allait donner à son peuple du poids
À Dakar, en 1963, il créa un sanctuaire étroit pour causer avec nos ancêtres plusieurs fois
À travers les pierres et avec sa foi, d’une fécondité exceptionnelle
Un génie pluriel, c’était l’Africain universel, l’un de nos meilleurs intellectuels
Pour ses recherches en égyptologie, territoire qu’avait conquis
Pharaon, il est devenu aussi le dernier d’une prestigieuse dynastie
C’était un géant du savoir scientifique aux multiples devoirs
Conscience phare du monde noir de l’Afrique, il était la mémoire spécialiste de la préhistoire, il voulait réhabiliter la race noire
Il prônait une vertu suprême, possédons nos compétences à l’extrême
Pour pouvoir dialoguer nous-mêmes avec nos interlocuteurs sans gêne
Exemple de probité morale, il s’était doté d’une formation totale
Il était une référence internationale, ce digne fils du Sénégal
Homme de pensée et d’action, il cherchait à convaincre par la raison
Il avait établi la contribution de l’Afrique à notre civilisation
Il a réussi à restituer une vérité longtemps occultée
Que l’Afrique, jusque-là reniée, était le berceau de l’humanité
Toute sa vie il a lutté afin que triomphe la vérité
Il a incarné notre fierté et notre dignité retrouvée
De son vivant il fut combattu, pour ses idées il s’était battu
Sa démarche ayant convaincu, aujourd’hui sa cause est entendue
Le 7 février 1986 à Dakar, en cette matinée triste
S’est éteint Cheikh Anta l’africaniste
L’Afrique perdait l’un des meilleurs fils du trône des pharaons immortels
Cheikh Anta Diop nous interpelle, bâtissons l’Afrique nouvelle
Bâtissons l’Afrique universelle, bâtissons l’Afrique éternelle
Mamadou Saliou Kanté, Sénégal

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L’union fait la force
À l’heure où les grandes puissances, à l’instar de l’Europe, s’unissent, l’Afrique n’a plus le choix si elle veut survivre. Plutôt que de mener des combats d’arrière-garde au nationalisme douteux sous-tendus par la crainte d’élections ouvertes à tous, comme en Côte d’Ivoire, développons plutôt la dynamique unitaire à l’échelle continentale. L’avenir est à Addis-Abeba, chapeau bas à Alpha Oumar Konaré pour son combat pour l’Afrique.
Traoré Yaya, Dreux, France

Le soleil et l’éléphant
J’ai lu avec attention l’article intitulé « Kolélas, le grand pardon » (voir J.A. n° 2346-2347). Cette réconciliation du soleil et de l’éléphant est une belle illustration de l’effervescence politique qu’on observe en ce moment à Brazzaville. Je pense que la fraternité pleine d’enthousiasme de ces frères jadis opposés leur a redonné un air de jeunesse. Quoi de plus apaisant que de voir ces hommes représentant les deux axes de la géopolitique congolaise se rejoindre dans une vision commune : la paix ?
Idole Brecht Diamonika, Brazzaville, Congo

Que va faire Tshisekedi ?
À quelques semaines du premier tour des élections en RD Congo, on s’interroge sur l’attitude future de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).
Cette élection sera le moment de vérité, celui où les grands hommes d’État se révèlent en se plaçant au-dessus de leurs intérêts personnels. Ce sera le moment où, enfin, Étienne Tshisekedi, adversaire de Mobutu après avoir été longtemps son ministre, puis opposant aux Kabila père et fils, devra nous donner la pleine mesure de son attachement à la paix et à l’idéal démocratique.
Tshisekedi a aujourd’hui l’occasion de mettre un terme à la tendance messianique qui a pris corps depuis quelques années dans son parti, occasionnant le départ de presque tous ses fondateurs et le réduisant ainsi à un parti ethnico-régional.
Mais a-t-il suffisamment de recul pour appréhender sans passion les enjeux politiques actuels ou l’attente des populations, lui qui vit quasi reclus dans sa villa de Limete ? Espérons qu’il aura compris le message des Congolais après la victoire du « oui » au référendum, car Kinshasa n’est pas le Congo profond, où il ne s’est presque jamais rendu. Sans cela, il portera la responsabilité de l’éventuel échec du processus électoral.
Xavier Marhegane, Kinshasa, RD Congo

Chère démocratie
Depuis une quinzaine d’années, les Africains ont renoué avec la démocratie, ou du moins avec des élections pluralistes. Au début de ce processus, Jacques Chirac avait osé dire que « la démocratie était un luxe pour les pays africains », soulevant un tollé général. À l’époque, on l’accusait de vouloir défendre ses amis du syndicat des chefs d’État qui ne voyaient pas d’un bon il cette agitation démocratique. Force est de constater qu’il est très difficile, financièrement parlant, d’organiser tous les cinq ans des élections pour des pays qui ont déjà tant de mal à faire face aux priorités de l’heure. À chaque fois, il faut faire appel à l’aide extérieure, et les coûts des élections deviennent de plus en plus importants.
Ne devons-nous pas « inventer notre démocratie » au lieu de vouloir à tout prix faire comme l’Occident développé ? Pourquoi, par exemple, avoir adopté le quinquennat, alors qu’on constate que la plupart des présidents font, coûte que coûte, au moins deux mandats ? Pourquoi ne pas instituer un seul mandat de neuf ou dix ans ? L’argent ainsi économisé pourrait être affecté à d’autres priorités.
Georges Varango, Cotonou, Bénin

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Sassou, en 1986, déjà
Le président congolais Denis Sassou Nguesso a été porté à la tête de l’Union africaine (UA) par ses pairs au terme du sommet de Khartoum du 23 au 24 janvier 2006, pour une année. C’est une reconnaissance du rôle que joue le chef de l’État congolais, avec discrétion, sur l’échiquier africain. Ce n’est pas la première fois qu’il est appelé à présider les destinées de l’organisation panafricaine. Il y a vingt ans déjà, en 1986, à Addis-Abeba, il était appelé à prendre la tête de l’OUA.
Nicole Sarr, Paris, France

Haïti est un État libre
Le peuple haïtien a surpassé la peur et la misère pour lancer un message clair au monde entier : nous savons ce qu’est la démocratie, et nous existons comme un État libre.
La mobilisation massive des Haïtiennes et des Haïtiens est un camouflet infligé à ceux qui veulent placer Haïti sous protectorat. Nous avons besoin d’aide, mais pas d’un nouveau maître, en cette année du bicentenaire de la mort de Jean-Jacques Dessalines, fondateur de la première République américano-africaine.
Odéël Dorceus, Paris, France

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Quel avenir pour la Centrafrique ?
Votre article sur la Centrafrique (voir J.A. n° 2351) confirme ce que je présentais, il y a un an, devant l’Académie des sciences d’outre-mer, à mon retour de Bangui. Ce pays ne pourra pas se remettre de la crise terrible où il est enfoncé tant qu’une libre circulation ne sera pas rétablie, permettant ainsi l’évacuation des produits agricoles et un commerce normal. Je mettais en question la passivité – sinon la complicité – de certaines autorités. Un an après, le problème reste entier. Je pense par ailleurs que le chiffre du recensement provisoire, soit 3,3 millions d’habitants, est plus proche de la réalité que 4 millions. Enfin, s’il y a du pétrole en RCA, je pense qu’il doit se trouver dans l’axe des fossés Doba-Birao, vers le lac Mamoun, donc au nord-est et non au nord-ouest du pays.
Yves Boulvert, directeur de recherche IRD, membre de l’Académie des sciences d’outre-mer

« Je n’ai pas été limogé »
Je déplore la manière dont j’ai été traité dans votre n° 2353 du 12 au 18 février 2006 sous le titre « La grande lessive ». Rendant compte des changements intervenus à la tête de quelques institutions publiques nationales, [le journaliste] a allié malheureusement des erreurs d’analyse et des déclarations sensationnelles qui ne sont pas habituellement le genre de la maison. Par exemple, bien que se réjouissant de la mise en application de la loi du 22 décembre 1999 établissant les incompatibilités entre les fonctions de président de conseil d’administration d’une société d’État avec celles de député ou de ministre, il se croit obligé de mentionner que le colonel Etondè Ekoto Édouard a été limogé de son poste de président du conseil d’administration du Port autonome de Douala et de la Société immobilière du Cameroun (SIC) comme cela a été le cas pour Emmanuel Ondo Ndong. De plus, pour bien marquer le parallèle, nos photos sont mises côte à côte avec un commentaire qui crée un amalgame inacceptable pour moi. Pour ce qui concerne la SIC, je ne peux en avoir été limogé, car je n’y ai jamais été nommé : le délégué du gouvernement de Douala occupant la place de premier vice-président, à la mort d’Enoch Kwayeb, j’ai été amené à assurer de facto l’intérim jusqu’à la nomination d’un titulaire ; ce qui a été fait le 23 janvier 2006.
Ce petit mot n’est que la manifestation d’une sorte de dépit à l’égard d’un organe où je ne croyais compter que des amis. Cela m’ennuie que la relation de faits exacts puisse se traduire par l’impression d’une volonté de nuire.
Colonel Édouard Etondè Ekoto, Douala, Cameroun
Réponse : Le colonel Édouard Etondè Ekoto n’a pas pu, en effet, être limogé de la présidence du conseil d’administration de la Société immobilière du Cameroun (SIC) dans la mesure où il n’avait pas été nommé à ce poste. Ce que la légende de la photo (p. 40) a pu malencontreusement laisser croire. Dont acte.

Quand le blé part en fumée
Il y a peu de temps, la chaîne de télévision française TF1 a présenté une expérience qui a cours en France en ce moment. Il s’agissait d’utiliser le blé comme combustible. Nous avons vu un agriculteur expliquer qu’il réalisait ainsi une économie annuelle de 6 000 euros par rapport à l’utilisation du fuel. Enfin, un commentaire off disait qu’il fallait disposer d’une superficie de 2 hectares pour pouvoir faire cela.
– Alors que les Européens n’arrivent pas à s’accorder sur une politique agricole commune, laquelle comporte un volume considérable de subventions aux céréales ;
– Au moment où l’avenir de l’agriculture africaine est perpétuellement menacé par les subventions que reçoivent les agriculteurs américains et européens, subventions que les politiques ne veulent pas supprimer
le blé est-il compétitif avec le fuel, si on calcule son coût réel, c’est-à-dire subventions agricoles incluses ? Si la réponse est « oui », je suis quand même choqué de voir brûler du blé dans des chaudières, alors que la faim sévit encore dans le monde.
S. Kouamé, Abidjan, Côte d’Ivoire
Réponse : Vous avez raison, cet agriculteur français ne pensait qu’à son porte-monnaie et, pour aggraver son cas, sachez qu’il faut 2,44 kg de blé pour remplacer 1 litre de fuel, contre 1,46 kg de colza, par exemple. Les réactions individuelles face à l’envolée des prix des carburants représentent cependant un intérêt général : elles contribuent à mettre en valeur les solutions de remplacement. L’Afrique peut y trouver son compte, notamment par une meilleure utilisation des tourteaux de coton après récolte de la fibre. P.S.

La vache !
Je voudrais réagir aux extraits du livre de Claude Allègre parus dans J.A. n° 2350. L’auteur parle du traitement par le gouvernement français de la crise engendrée par la maladie de la vache folle. Il affirme que l’approche du gouvernement est erronée, puisqu’une vache contrôlée positive par un test suisse fiable à 99,9 % avait en réalité une probabilité de 91 % d’être saine, car, selon lui, la maladie ne touchait en moyenne qu’un individu sur 10 000. Or ce calcul est faux.
En effet : soit A l’événement « choisir une vache saine ». Soit B, celui de « tomber sur un mauvais test ». L’événement « déclarer une vache malade alors qu’elle est saine » correspond à l’intersection des événements A et B, qui sont totalement indépendants. La probabilité en question est donc égale au produit de celles des événements A et B, c’est-à-dire 0,9999 multiplié par 0,001. Ce qui est égal à 0,09999 %. Le gouvernement français avait donc raison d’abattre tout troupeau comportant une vache contrôlée positive.
Naoufel Battikh, docteur en mathématiques de l’université Paris-VII

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