Une certaine idée de la Tunisie

Un ensemble de récits obéissant à la logique de leur propre narration, d’où les auteurs natifs du pays sont largement exclus.

Publié le 7 mars 2006 Lecture : 2 minutes.

Personne ne mettra en doute les intentions louables de Guy Dugas envers la Tunisie. L’universitaire et critique littéraire français entend vanter les qualités d’ouverture du pays de Carthage, la douceur de ses murs et la diversité de ses cultures. Hélas ! Tunisie, rêve de partages n’offre ni dans la forme ni dans le fond la meilleure façon d’inviter au voyage. Le lecteur bute déjà contre un titre pour le moins vague. Est-ce un beau livre, un carnet de route, un guide, un recueil de poèmes ?
L’introduction ressemble à une notice historique, digne d’un dictionnaire, l’objectivité en moins. Est-il juste, en effet, de décrire les quartiers juifs, les fameuses haras, comme des « ghettos », ou de souligner « l’exclusive de la religion musulmane sur l’cuménisme et le partage » dans un livre qui entend vanter une Tunisie « plurielle et nuancée » ?
La sélection de douze textes, dont les auteurs s’appellent entre autres Michel Tournier, Albert Memmi, Jean Amrouche ou Guy de Maupassant – qu’aucune note bio-bibliographique n’introduit -, fait bien sûr penser à l’anthologie. Mais ce n’est pas une anthologie de la littérature tunisienne, car seuls quelques auteurs natifs du pays y figurent. Ni une anthologie des chantres étrangers de la Tunisie, si l’on en juge par la quasi-absence d’écrivains voyageurs illustres tels que Gustave Flaubert ou Isabelle Eberhardt. En outre, le choix des textes n’obéit pas à des critères précis, tels que l’époque ou le genre littéraire. Il est fait référence à des écrivains du siècle dernier tout autant qu’à des romanciers contemporains, sans ancrage historique ni études comparatives.
Les qualités d’écriture, indéniables dans certains textes, font défaut dans d’autres : comment comparer, en effet, le récit de Maherzia Amira Bournaz, plus proche du document ethnologique et d’une naïveté littéraire déconcertante, avec l’écriture lumineuse d’un Georges Duhamel ? Et, entre Guy de Maupassant et Adrien Salmière, il n’y a pas photo. Enfin, il s’avère que le noble objectif d’illustrer une Tunisie multiculturelle concerne surtout le passé et plus précisément la première moitié du 20e siècle. Certains esprits mal intentionnés pourraient en conclure que la Tunisie présente a tourné le dos à ses traditions et qu’il ne fait plus bon y vivre pour l’étranger
Ces écueils énumérés, Tunisie, rêves de partage se laisse lire comme une série de récits d’auteurs, reproduits dans leur intégralité, obéissant en définitive à la logique de leur propre narration, sans qu’il soit question de livrer un message à tout prix. L’on peut picorer dans quelques textes, faire un bout de chemin avec un ou deux écrivains de talent. Mais une chose est sûre : Guy Dugas s’est fait plaisir avec une sélection qui suit ses inclinaisons personnelles. Ce n’est pas forcément la condition d’un vrai partage.

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