Avec Bénin Airlines, Cotonou veut trouver sa place dans le ciel africain

L’exécutif béninois, dirigé par Patrice Talon, a annoncé l’entrée de l’État au capital de Bénin Airlines, transporteur national aux ambitions désormais sous-régionales. Un pari plus qu’audacieux.

Une photo aérienne de Cotonou, conservée actuellement à l’IGN. © IGN

Une photo aérienne de Cotonou, conservée actuellement à l’IGN. © IGN

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Publié le 5 janvier 2022 Lecture : 3 minutes.

Malgré l’incertitude qui plane sur le secteur aérien, certains redoublent d’ambitions. C’est le cas du Bénin, dont l’exécutif a annoncé mi-décembre l’entrée de l’État au capital de Bénin Airlines, compagnie jusqu’ici 100 % privée et n’exploitant que des vols domestiques entre le nord et le sud du pays.

En prenant 30 % du capital, pour un montant non communiqué, le gouvernement de Patrice Talon veut étendre les activités du transporteur national en proposant des vols sous-régionaux. Pour ce faire, il prévoit d’acquérir de nouveaux aéronefs.

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Anciennement Air Taxi Bénin, la compagnie est dirigée par Charles Gagnon, ancien député de l’Union progressiste, parti pro-Talon. Le responsable a indiqué à Jeune Afrique que le processus de nomination d’un nouveau conseil d’administration était en cours, sans donner plus de précision. 

Répondre à la demande

Aujourd’hui, les vols de la compagnie béninoise sont surtout empruntés par les diplomates, hommes d’affaires et touristes fortunés souhaitant gagner du temps (par rapport à un trajet en voiture) pour rejoindre les régions de Parakou, Djougou, Save, Natintingou, Kandi, Bohicon ou encore le parc de la Pendjari.

Les tarifs proposés tournent autour de 3 500 000  francs CFA, soit plus de 5 000 euros. Pour assurer ces liaisons régulières, la compagnie exploite uniquement un avion de douze places : le Cessna Caravan 208B.

L’ambition sous-régionale part du constat qu’il y a peu de vols directs pour le Bénin alors même que la demande existe. « Un nombre important de commerçants d’Afrique centrale se rendent au Bénin pour se ravitailler en marchandises, le plus souvent de la friperie », commente un observateur du secteur.

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De plus, les prix des billets pour voyager depuis Cotonou vers le reste de l’Afrique et en dehors du continent sont élevés par rapport au revenu moyen par habitant (1 100 euros par habitant et par an, selon la Banque mondiale). Par exemple, il faut compter au moins 300 euros pour un Cotonou-Abidjan, 200 euros pour un Cotonou-Libreville et 500 euros pour se rendre à Lagos depuis la capitale béninoise, avec notamment Air Côte d’Ivoire, Asky, Mauritanian Airlines et Air Burkina. Un connaisseur du secteur aérien ouest-africain note, toutefois, que comparé aux tarifs en vigueur dans d’autres pays de la région, ceux appliqués au Bénin – taxes locales comprises – restent modérés.

Secteur ultra concurrentiel

Malgré ces freins, l’aéroport de Cotonou enregistre environ 7 000 arrivées et départs hebdomadaires, plus de 9 000 en période de pointe, soit plus de 400 000 voyageurs par an vers ou depuis le pays. L’Association du transport aérien international (IATA) prévoit, par ailleurs, que le nombre de passagers devrait doubler d’ici à vingt ans.

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Même si plusieurs voyants sont au vert pour le projet béninois, il faut rappeler que la concurrence dans le ciel ouest-africain est déjà rude. Des compagnies issues du continent telles que Asky, Royal Air Maroc et Ethiopian Airlines, bénéficient déjà d’un solide réseau et d’une large empreinte. Sans oublier les concurrents non-africains, dont Air France, Brussel Airlines et même Turkish Airlines, qui se sont, eux aussi, imposés dans la région.

L’histoire aérienne béninoise a avant tout été marquée par la participation du pays, en tant que membre fondateur, à l’aventure Air Afrique, compagnie panafricaine (1961-1989) qui voulait mutualiser les moyens pour assurer aux jeunes nations africaines, tout juste indépendantes, des liaisons aériennes entre leur territoire et l’international.

Après la disparition d’Air Afrique, un pavillon national, baptisé « Afrique Airlines », a bel et bien existé entre 2002 et 2006. Le transporteur, qui opérait essentiellement des vols Paris-Cotonou depuis l’aéroport Cadjehoun à bord d’un Airbus A310-300, n’a toutefois pas réussi à trouver sa place sur le marché.

Modernisation de l’aéroport

L’engagement étatique au capital de Bénin Airlines intervient alors que l’État a impulsé, en parallèle, le développement du nouvel aéroport international de Glo-Djigbé (à une vingtaine de kilomètres de Cotonou), censé « remplacer l’aéroport Cardinal-Bernardin-Gantin de Cadjéhoun, situé dans le centre de la capitale économique », écrivait Jeune Afrique en 2018, dans une note reprise par le ministère des Infrastructures et des Transports.

Le coût du chantier de ce nouvel aéroport est estimé à 360 milliards de F CFA (574 millions d’euros), il comprend entre autres « la réalisation d’une piste (de 4 250 m de long et 60 m de large), d’un terminal voyageurs d’une capacité de 1,6 million de passagers par an (900 en heure de pointe), d’une aérogare fret pouvant traiter 12 000 tonnes par an, de voies de sortie rapides et de bretelles de raccordement », indiquait Jeune Afrique.

Entre temps, des travaux d’amélioration de l’actuel aéroport de Cotonou sont en cours. Ils visent entre autres à rénover la piste d’atterrissage, étendre le parking, réaménager l’aérogare ainsi que renforcer le système d’information pour automatiser le contrôle des voyageurs. Leur coût est estimé à une cinquantaine de milliards de F CFA.

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