Province capitale

L’histoire et la géographie de Kigali lui confèrent une position unique dans le projet de décentralisation.

Publié le 7 mars 2006 Lecture : 4 minutes.

Fondé en 1907 par le colonisateur allemand, Kigali s’étalait sur huit hectares et comptait moins de 400 habitants. À l’indépendance du pays, en 1962, la capitale comptait 60 000 habitants. Quarante ans plus tard, on a recensé dix fois plus de Kigalois, nom donné aux habitants de la capitale. En 2006, sa superficie avoisine les 320 kilomètres carrés pour une population frisant le million d’habitants. Elle est située dans la région de Bwanacyambwe, marquée par une succession de collines qu’entourent le mont Kigali, qui a donné son nom à la ville, et le mont Jali. L’agglomération a donc été construite sur des plateaux avec des flancs en forte pente, rendant le site difficile à aménager, notamment pour le doter d’un habitat et d’une voirie modernes.
À l’origine, la ville reposait sur deux collines, Nyamirambo et Nyarugenge, les autres étant réservées à la production agricole ou transformées en « collines dortoirs ». La cité a fini, en 1973, par les absorber toutes et aucun Kigalois ne serait en mesure de donner aujourd’hui le nombre exact de collines qui forment la ville. Kigali a connu, ces cinq dernières années, un développement sans précédent. Capitale administrative, carrefour commercial et centre industriel, la ville dispose désormais de tous les arguments en matière de modernité. En premier lieu, les infrastructures. Les axes routiers reliant les différents quartiers sont tous bitumés. Le réseau de voirie s’est fait plus dense. Le nombre de cliniques spécialisées privées est en constante augmentation. L’immobilier a connu une véritable explosion avec la réalisation de nombreux quartiers résidentiels nouveaux, notamment à Nyarugenge et à Remera, et d’autres encore en chantier. Les constructions à étages ont fait leur apparition grâce à une meilleure gestion du cadastre et à la généralisation du financement immobilier par des crédits bancaires. Clin d’il : le nouveau siège du ministère de la Défense est en forme de pentagone. Illuminé avec intelligence, il brille la nuit tombée sur les flancs de Kacyiru.
Kigali se veut accueillant. Ses capacités hôtelières connaissent également un développement spectaculaire, élargissant le choix en termes de confort et de budget. Quant aux espaces de convivialité, ils ne cessent de se multiplier. Le restaurant Chez Robert, à la mode ces dernières années, découvre les affres de la concurrence. Son rival, le VIP, s’est transformé, avec bonheur semble-t-il, en bar thaï, et propose désormais une cuisine dont les ingrédients traversent l’océan Indien pour tenter de séduire les papilles kigaloises. Chez John propose une cuisine ouest-africaine et la Republica, l’établissement le plus récent, voit sa notoriété s’accroître. De nouvelles installations sportives, des courts de tennis à profusion et un terrain de golf situé à Nyarugenge font le bonheur des amateurs.
Le réseau de distribution commerciale s’est enrichi avec un grand nombre de nouveaux centres ultramodernes, répartis sur la quasi-totalité des collines. Le tissu industriel de Kigali n’a pas connu la même croissance que la ville. Il demeure toutefois l’un de ses deux poumons économiques. Du textile au tabac en passant par l’agroalimentaire avec les brasseries et les sucreries, l’industrie est le deuxième secteur en termes d’emplois après celui des services. C’est ce dernier qui fait la fierté des Kigalois : « Dans quelques années, notre cité va proposer les meilleurs services aux hommes d’affaires et investisseurs de toute la sous-région », affirme Dawla, étudiante à l’Institut des sciences et technologies de Kigali (Kist). Le projet de création d’une Bourse des valeurs régionale est en voie de concrétisation. Le rêve de transformer Kigali en pôle d’affaires, doté de toutes les commodités, ne s’arrête pas là. Outre l’aéroport international de Kanombe, situé à 10 kilomètres du centre-ville, les autorités rwandaises envisagent la construction d’une nouvelle aérogare avec pour ambition de faire de Kigali un hub international, plate-forme aérienne à cheval entre l’Afrique orientale et les pays du centre du continent.
Cependant, le rythme accéléré de transformation de la capitale a entraîné certaines omissions, notamment pour ce qui touche aux espaces socioculturels. Aucune salle de théâtre ou de concert n’a été réalisée. Les salles de cinéma se comptent sur les doigts d’une seule main. Si l’on veut écouter de la musique live, il faut attendre le vendredi pour voir la prestation des Muchachos, un orchestre jouant de la salsa ou du reggae, en début de soirée au VIP, à quelques mètres du Cadillac, le night-club branché de Kigali. Autre espace ouvert à la musique : le centre culturel franco-rwandais. Là aussi, les animations se concentrent sur la fin de la semaine. Hormis ces deux « scènes », les jeunes Kigalois sont démunis et doivent s’en remettre à la programmation de mégaconcerts au stade d’Amahoro, à Remera, ou celui de Nyamirambo. Mais ce genre de manifestation demeure plutôt rare. Sonoriser et illuminer des événements de cette taille nécessite de gros moyens. Pour l’heure, seule Cobra Production dispose d’un tel matériel. Son propriétaire, Eugène, affirme que ce type d’activité est peu rentable au Rwanda : « Il est difficile d’amortir le cachet d’une star internationale capable de remplir un stade, de régler les factures d’énergie et le personnel avec la seule billetterie. Le mécénat par les grandes entreprises publiques ou privées reste encore embryonnaire, mentalités obligent. » Le grand espoir d’une relance de l’activité culturelle repose sur le Festival panafricain de la danse (Fespad, voir ci-dessous). Toutefois, la fréquence du Fespad, manifestation biennale, rafraîchit l’enthousiasme.
L’impact de la décentralisation sur la ville de Kigali ? « Il ne peut être que bénéfique, assure Martin, un grand commerçant. L’autonomie budgétaire donne à une province de nouvelles chances en matière de gestion du produit de la fiscalité directe. Le tissu économique de Kigali lui permettra de dégager des revenus conséquents, capables de poursuivre la politique de modernisation de la ville. »

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