Prends l’oseille et tire-toi

Publié le 7 mars 2006 Lecture : 2 minutes.

Le 27 février, l’administration Bush a accepté de verser 300 000 dollars à l’Égyptien Ehab Elmaghraby pour le dédommager de la longue (onze mois) détention qui lui a été infligée dans une prison de Brooklyn (New York). Sans autre motif que sa nationalité, sa religion et de vagues soupçons d’activités terroristes.
La décision est sans précédent, les responsables américains étant accoutumés à justifier les pires violations des droits des prisonniers par les nécessités de la guerre contre le terrorisme. Le 24 février, le Pentagone avait néanmoins annoncé son intention de révéler l’identité de 317 des 490 prisonniers de Guantánamo, conformément à l’injonction d’un juge fédéral.
Musulman marié à une Américaine, Elmaghraby réside et travaille à New York (il tient un restaurant à Manhattan). Le 30 septembre 2001, Big Apple est en pleine crise de paranoïa aiguë. Toute personne ressemblant de près ou de loin à un Arabe est immédiatement suspecte. L’immigré égyptien est donc interpellé et, dès le lendemain, incarcéré. Les enquêteurs ont découvert que le propriétaire de son logement, musulman lui aussi, aurait pris des cours de pilotage ! « Mon client a été maintenu en isolement, 24 heures sur 24, dans le noir, sans matelas et avec interdiction de téléphoner à son avocat », raconte ?Me Hae Young Yoon, l’un de ses défenseurs. Aussitôt après le 11 septembre 2001, une centaine de personnes soupçonnées de terrorisme ont été incarcérées à Brooklyn dans des conditions identiques. Libéré le 22 août 2002, Elmaghraby est expulsé vers l’Égypte un an plus tard. Sans autre forme de procès. Selon sa défense, il est aujourd’hui dans l’incapacité de travailler en raison de problèmes médicaux directement liés à son séjour derrière les barreaux. Il a donc porté plainte pour détention illégale contre John Ashcroft, l’ancien ministre de la Justice, et Robert Mueller, le directeur du FBI.
Elmaghraby n’est toutefois pas blanc comme neige. La justice lui reproche diverses fraudes à la carte bancaire pour lesquelles il a l’intention de plaider coupable. Les deux affaires – la détention illégale et les fraudes – seront jugées simultanément, conformément à une procédure souvent utilisée aux États-Unis. Résultat : Elmaghraby est blanchi de toute accusation de terrorisme et reçoit 300 000 dollars de dédommagement. Mais il est interdit de séjour aux États-Unis en raison des délits qu’il y a commis. L’affaire ouvre une brèche dans laquelle toutes les personnes détenues illégalement dans les prisons américaines pourraient bien s’engouffrer. Reste à savoir pourquoi les responsables américains ont pris un tel risque, alors que le tollé international provoqué par l’existence du camp de Guantánamo ne les a, semble-t-il, jamais empêchés de dormir. Les avocats du gouvernement, cités par le New York Times, insistent sur le fait que la décision ne signifie pas que l’administration s’estime responsable. Et précisent que les attentats du 11 Septembre ont créé des « conditions spéciales » justifiant des arrestations dissuasives. Le raisonnement est, lui aussi, « spécial ».

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