Henning Mankell, le Suédois de Maputo

C’est au Mozambique que ce maître du polar – 20 millions d’exemplaires vendus dans le monde – écrit la plupart de ses livres.

Publié le 7 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

« Je ne suis pas venu en Afrique pour des raisons romantiques. Il n’y a rien de paradisiaque là-bas, bien au contraire. Mais depuis mon enfance je savais que je devais m’y rendre un jour. » L’homme qui parle est suédois et romancier. Et aussi l’un des plus gros succès mondial de librairie de ces dix dernières années. Henning Mankell, 56 ans, écrit des polars, dont le héros, Kurt Wallader, un policier fragile et plein de compassion, lutte contre son diabète et la criminalité à Ystad, petite ville de Scanie dans le sud de la Suède. Quel lien avec l’Afrique ? C’est à Maputo, capitale du Mozambique, dans un appartement avec vue sur l’océan Indien, que l’écrivain rédige la plupart de ses romans.
Quand il était petit, Henning Mankell vivait seul avec son père et imaginait que les gros troncs de bois qui descendaient la rivière tout près de sa maison étaient des crocodiles barbotant dans le fleuve Congo. Jeune homme, il se lance dans le théâtre à Stockholm et publie son premier roman en 1973. Un an auparavant, il est parti en Guinée-Bissau, son premier voyage en Afrique. Tout en poursuivant son travail d’écriture et de mise en scène, Mankell part à la découverte du continent. En 1987, il s’installe quelques mois en Zambie. Puis, à l’invitation d’une troupe de théâtre mozambicaine, il se rend à Maputo pour un atelier de formation. Malgré le dénuement et la guerre qui frappent le pays, il décide de rester et commence un long travail avec les comédiens du Teatro Avenida, reconnu aujourd’hui comme un des meilleurs d’Afrique. Entre la froidure suédoise et la moiteur mozambicaine, Mankell partage désormais sa vie.
« À présent, j’ai une tour d’observation en Europe et une autre en Afrique. Ça me permet de voir le monde plus clairement, surtout l’Europe », déclare l’écrivain lorsqu’on l’interroge sur ce choix. Car Mankell met le doigt là où ça fait mal. Danger des sectes, fin du modèle social-démocrate, violences d’une jeunesse déboussolée, dérives technologiques, les neuf enquêtes de l’inspecteur Wallander, commencées en 1991 et traduites aujourd’hui dans trente-cinq langues, dépeignent à chaque fois une Europe en mal de repères. Depuis ses débuts, Mankell croit au rôle social de l’écrivain. Chaque livre est un acte de résistance pour plus de dignité et de solidarité.
Les aventures du policier suédois se sont vendues dans le monde à plus de 20 millions d’exemplaires et des touristes européens vont chaque année visiter la ville d’Ystad en espérant y croiser l’ombre de Wallander. Malgré ce succès planétaire, Mankell n’a pas rompu avec le continent africain et n’hésite jamais à le faire entrer en scène : « Je suis en colère quand j’entends comment on parle de l’Afrique. On sait tout de la manière dont les Africains meurent, et rien de la manière dont ils vivent ! Il est temps que l’Afrique envahisse l’Europe avec ses histoires, comme l’a fait l’Amérique latine dans les années 1960. » Dans La Lionne blanche, paru en 1994*, un meurtre en Suède conduit l’inspecteur Wallander à découvrir un complot visant à assassiner le tout nouveau président sud-africain Nelson Mandela. Dans La Muraille invisible, c’est depuis Luanda qu’un des malfaiteurs traqués par le policier tire les ficelles de sa macabre machination.
Sur l’Afrique, Mankell écrit aussi des romans qui n’ont rien de policier. Dans un style grave et poétique, Comedia infantil raconte l’histoire d’un enfant des rues de Maputo pendant la guerre civile. Autre histoire d’enfance, Le Fils du vent décrit la rencontre d’un gamin namibien avec la société suédoise du XIXe siècle.
Ces dernières années, Mankell passe moins de temps à Maputo. Il doit répondre aux nombreuses sollicitations dues à son immense popularité et s’est lancé dans de nouveaux projets. En 2001, il a fondé sa propre maison d’édition à Stockholm. Le nom qu’il a choisi ? Léopard. L’hommage ne saurait être plus clair. L’Afrique, ne cesse de répéter Mankell, a fait de lui « un meilleur Européen ».

* Les versions françaises des livres de Henning Mankell sont publiées par Le Seuil.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires