Du rôle des premières dames

Publié le 7 mars 2006 Lecture : 2 minutes.

De Dakar à Libreville, de Tunis à Nairobi, impossible pour le voyageur de passage, pour peu qu’il lise un journal national ou regarde la chaîne officielle de télévision, d’échapper aux activités de la première dame (ou de la First Lady) locale. Depuis une quinzaine d’années, parallèlement aux avancées de la démocratie formelle et à l’apparition de ce serpent de mer adulé de la communauté internationale qu’est la société civile, la fonction s’est peu à peu institutionnalisée, et la figure à la fois effacée, respectable et maternelle de l’épouse du chef a cédé la place à celle de l’actrice sous les feux de la rampe. Symptôme d’émancipation par le haut de la femme africaine ? Oui et non. Hormis quelques cas rarissimes, comme Simone Gbagbo, aucune d’entre elles ne pèse politiquement, indépendamment de leur présidentiel mari, et l’essentiel de leur action est financièrement relié à la sphère, donc au budget, publique. Mais le rôle de plus en plus important joué par ces femmes, qui ne sont pas toutes (ou pas seulement), loin de là, des épouses abusives aux pouvoirs exorbitants, fait d’elles des personnalités à part, à l’autonomie croissante et à la limite parfois de l’électron libre.
Vaste et touche-à-tout, le champ d’intervention d’une Chantal Biya, d’une Édith Lucie Bongo, d’une Viviane Wade et de bien d’autres concerne tous les secteurs que la mondialisation, la dérégulation de l’État et la crise économique ont laissés à l’abandon. Santé, éducation, lutte contre l’exclusion et les grandes pandémies, rien n’échappe à leur activisme compassionnel et aucun groupe vulnérable de la société, dûment repéré, des Pygmées aux handicapés, en passant par les albinos, ne peut se plaindre d’être oublié dans le grand discours de la charité. Ce faisant, les premières dames compensent en quelque sorte les déficits de la politique menée par leurs époux (et leurs gouvernements). Certes, les Fondations qu’elles dirigent agissent sur les effets du mal – la souffrance des populations – alors que les causes, dont l’éradication relève de l’État, demeurent le plus souvent intactes. Mais à tout le moins sont-elles l’expression humaine et bienfaisante d’un pouvoir dont elles éclairent et valorisent le détenteur. Si l’on ajoute à cela le fait que l’activité de ces dames n’est guère concernée par les fameuses conditionnalités des bailleurs de fonds et permet de développer, tant au sein de la société civile que des ONG, des relations de clientèle, on mesure mieux l’intérêt qu’y portent leurs chefs d’État de maris.
La lutte contre le sida a offert aux First Ladies africaines une tribune et une stature internationales inespérées. De sommets en colloques, elle leur a permis de tisser, à travers le monde, des réseaux – notamment avec leurs homologues occidentales – que n’avaient pas leurs aînées. Mais, signe que la politique n’est jamais loin des symboles, on assiste aussi à une transposition, sur la scène humanitaire qui est la leur, des différends qui opposent parfois entre eux leurs maris. Rivalités, jalousies, alliances : c’est en transcendant ces querelles masculines que les premières dames montreront l’exemple.

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