Akazu

Publié le 7 mars 2006 Lecture : 2 minutes.

S’il est un mot qui, au Rwanda, est synonyme de cauchemar, c’est sans doute celui-ci : akazu – « petite maison » en kinyarwanda. Sous ce label paisible se regroupèrent dès 1991, trois ans avant le déclenchement du génocide, les forces du mal qui conçurent et planifièrent l’extermination des Tutsis comme solution définitive au maintien éternel du « Hutu Power ». Société secrète composée de dirigeants civils et militaires issus pour la plupart de la « maisonnée » présidentielle, premier cercle du pouvoir, l’akazu remit à l’honneur le langage bestial des années 1950 quand l’adversaire n’était qu’un ramassis d’inyenzi (« cafards ») et créa pour les besoins de la cause ces médias de la haine que furent la Radiotélévision des Mille Collines et son équivalent écrit, Kangura. En avril 1994, lorsque commença à travers tout le pays une infernale saison de machettes qui fut tout sauf une explosion de colère spontanée, l’État rwandais, hyper-centralisé, suivit comme un seul homme. Partout, les autorités locales, les bourgmestres, les directeurs d’école, les religieux, les juges, les médecins, les gendarmes et tous les détenteurs d’une parcelle de pouvoir se mirent au travail, relayant les consignes martelées d’en haut et encadrant ces dizaines de milliers de « petites mains » du génocide qui furent autant de robots tueurs décervelés. Sans cette soumission verticale et aveugle aux ordres d’un État fascisant dont le moindre rouage fonctionna alors avec une effrayante efficacité, le génocide rwandais n’aurait pas atteint une telle ampleur.

Douze ans plus tard, alors que les réfugiés hutus par centaines de milliers ont regagné leurs collines, récupéré leurs terres et que la page des tribunaux gacaca est en voie d’être tournée, l’heure est venue de casser cette logique. Le vaste chantier de réforme administrative et de décentralisation mené aujourd’hui au Rwanda a pour objectif principal de donner aux citoyens une marge de manuvre et d’autonomie qu’ils n’ont jamais eue. En renforçant les pouvoirs locaux, en redécoupant les provinces suivant une logique purement géographique et en refondant l’État, le président Paul Kagamé offre certes à ses compatriotes un substitut de démocratie formelle dans un pays où les libertés sont encore sous contrôle. Mais il leur donne aussi – et surtout – les moyens techniques, pratiques et administratifs de s’opposer aux décisions d’un État devenu fou. Répéter « plus jamais ça » est une chose. Avoir la possibilité de faire en sorte que « ça » n’arrive plus jamais en est une autre. Il fallait brûler une fois pour toutes l’akazu, ses miasmes, son idéologie et ses fondations. C’est désormais en voie d’être fait.

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