Vos lettres ou courriels sélectionnés

Publié le 6 février 2006 Lecture : 9 minutes.

Pitié pour la Côte d’Ivoire
Mon pays va très mal. L’Etat de Côte d’Ivoire a disparu depuis plus d’une décennie, et ce chaos, entretenu par une galaxie pseudo-patriotique, est la preuve que l’essentiel se trouve dans la rue, dans la négation de la hiérarchie, dans le manque de civilité et de courtoisie, dans cette arrogance qui entame la confiance réciproque. Plus ces minorités occupent la rue, plus la confiance s’éloigne entre les acteurs sociaux. On fait tout pour saboter le programme et les actions du Premier ministre, qui n’a même pas bénéficié d’une période de grâce. On constate la responsabilité des uns et des autres, mais c’est toute la Côte d’Ivoire qui doit dire non à ceux que cette confusion arrange parce qu’ils veulent conserver des miettes de pouvoir au détriment de tout un peuple. Comment un groupuscule peut-il prendre la télévision nationale en otage ? Pis, on voit à ses côtés le chef d’état-major des armées dites loyalistes ! Je n’ose pas imaginer ce qui se serait passé si la jeunesse de l’opposition avait osé se comporter de la sorte. On aurait crié à la tentative d’insurrection.
Comme le dit le GTI, rien ne justifie que soient maintenus des députés dont le mandat a expiré. Notre soutien va au Premier ministre, afin qu’il se sente moins seul. Ceux d’entre nous qui croient en lui constituent une majorité silencieuse, tenue en respect par les fusils des milices et d’une armée qui est, à mon sens, loin d’être républicaine.

Juger Hissein Habré en Afrique
Le sort du président Hissein Habré nous impose de mener une réflexion sur la nature des relations qui lient l’Afrique à l’Occident. En ce début du IIIe millénaire, où les portes de l’Occident se ferment de plus en plus pour les Africains, on pense à le faire comparaître en Belgique.
Nous ne voulons en aucun cas justifier le passé de cet ancien dictateur, tant il est vrai que les crimes dont il est accusé relèvent d’une gravité inacceptable. Les preuves semblent être établies et notre ancien chef de l’Etat mérite d’être blâmé. Il n’est même pas normal, à notre avis, qu’il bénéficie de la protection d’un homologue.
Ce qui inquiète et perturbe la conscience de certains Africains, c’est de juger un Africain en Occident. Pour que ce soit justifié, il faudrait au préalable nous éclairer sur les responsabilités européennes dans les assassinats d’Africains célèbres, comme Ruben Um Nyobe ou Patrice Lumumba. Hissein Habré doit répondre de ses actes devant les magistrats impartiaux en Afrique. Sinon nous pourrions faire croire qu’en 2005, quarante-cinq ans après les indépendances, nous n’avons pas encore atteint suffisamment de maturité pour établir les responsabilités de nos frères et les punir en cas de besoin.

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Pourquoi l’UA ?
Votre article intitulé « Quel président pour l’UA ? » (voir J.A.I. n° 2349) me pousse à m’interroger sur l’importance de cette instance panafricaine. Penser à une possible présidence de l’UA confiée au Soudan est un signe révélateur du mal qui ronge notre continent. Un pays divisé peut-il diriger une instance à vocation unificatrice ? Si l’on écoute Alpha Oumar Konaré, démocratie, bonne gouvernance et respect des droits de l’homme sont des préalables requis pour mériter la présidence de l’UA. Le Soudan ne remplit pas ces conditions et je crois qu’il n’est pas le seul. Il est absurde de parler d’Union africaine alors que des guerres subsistent sur notre continent. Jusqu’ici, aucun conflit n’a été résolu par l’UA.

La Tanzanie avant-dernière
Je vous lis régulièrement dans la bibliothèque d’Arendal, petite ville norvégienne. Dans le n° 2235, une statistique sur le revenu brut par habitant des pays africains en 2002 classe la Tanzanie avant-dernière, avant la Sierra Leone et ex aequo avec la Somalie.
Ce pays a reçu un montant colossal d’aide au développement depuis son indépendance. Mais une comparaison entre le niveau de développement et l’aide étrangère reçue montre que les plus gros bénéficiaires sont souvent les moins développés in fine. A contrario, les « tigres asiatiques », qui n’ont guère été aidés, sont parvenus à un développement extraordinaire. J’ai travaillé quatre ans en Tanzanie et deux ans au Vietnam. La situation de la Tanzanie ne m’étonne pas du tout : c’est un des pays très corrompus et les autorités y ont fait preuve d’une inéfficacité scandaleuse dans l’utilisation des finances publiques. Je pense en particulier à la politique de l’Ujamaa ou socialisme africain, et à la construction d’une nouvelle capitale, Dodoma, totalement inutile.
Cependant, peut-on faire confiance à 100 % aux statistiques ? Il paraîtrait que 80 % à 90 % de la production tanzanienne se fait dans l’économie informelle, hors de toute statistique. Peut-on se fier à ce chiffre ? Comment a-t-il été estimé ? La Tanzanie représente-t-elle un cas à part ?
Réponse : L’économie informelle est difficile à évaluer puisque, justement, elle se situe « hors cadre ». Toute estimation repose sur des données sociologiques et économiques et sur des calculs qui sont le propre des instituts de statistiques ou des organisations qui les produisent. Ils ont la valeur que vous accordez à leurs auteurs. La Tanzanie n’est pas un cas exceptionnel. Partout dans le monde, les pays en développement ont des marchés informels.

Chiffres en liberté
Les chiffres disent ce qu’on veut leur faire dire. Dans votre numéro 2349, je peux lire (page 17) qu’en France « 85,9 % des musulmans mangent halal ». D’abord, j’aime bien la précision : 85,9 %. Pourquoi pas 85,888 % ou 85, 902 % ? Cela ferait encore plus scientifique.
Sérieusement, quel crédit accorder à une enquête réalisée auprès de « f576 personnes retenues sur un échantillon de quelque 30 000 musulmans de France » ? Ceux-ci sont, selon les estimations, entre 5 et 6 millions. Mais, surtout, qu’est-ce qu’un musulman en France ? Celui qui respecte les préceptes de sa religion, fait ses cinq prières quotidiennes, verse régulièrement l’impôt de purification et observe strictement le rite du jeûne ? Celui qui fait le ramadan parce que c’est un moment de retrouvailles familiales ? Celui qui a des parents originaires du Maghreb et a vaguement entendu parler d’un certain Mohammed ?
Réponse : Vous faites biende souligner que les chiffres ne parlent pas d’eux-mêmes et que ce sont seulement les analyses qui leur donnent du sens. Les réponses du sondage auxquelles se réfère « Ces chiffres qui parlent » sont déclaratives. L’auteur du sondage n’est pas allé jusque dans l’assiette des personnes interrogées ! Et, parfois, les sondés ont tendance à se surestimer ou à enjoliver la réalité, surtout quand il s’agit des obligations religieuses.

Question d’analphabètes
Dans le J.A.I. n° 2248, vous publiez le Rapport mondial de l’Unesco sur l’analphabétisme. Mais saviez-vous qu’il est de notoriété publique que le taux d’analphabètes atteint, à Bruxelles, 10 % ? Cela situe notre région au même niveau que le Zimbabwe et derrière les Seychelles !
J’ajouterai, au sujet de l’article intitulé « Tous aux urnes ! » que selon ce même rapport, il y a 35 % d’analphabètes en République démocratique du Congo. On peut donc se demander qui a lu le texte de la Constitution, objet du référendun des 18 et 19 décembre et combien d’exemplaires ont été distribués aux 27 millions de Congolais inscrits sur les listes électorales ? Cette opération électorale a coûté plus de 600 millions de dollars aux européens, somme qui aurait pu permettre d’éradiquer le paludismr de toute la RDC.

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Journaliste en herbe
Je suis étudiant en sciences politiques, et j’écris beaucoup. Cette année, j’ai décidé de soumettre plusieurs de mes manuscrits à divers journaux. J.A.I. serait-il disposé à en publier certains, dans la mesure où vous pourriez les estimer de qualité ?
Réponse : Notre rubrique « Vous & Nous » est à votre disposition pour accueillir votre courrier. Nous publions, de temps à autre, sous la rubrique « Forum » des articles dont la pertinence nous semble susceptible d’intéresser l’ensemble des lecteurs.

Le Tchad n’est pas l’Afrique
Rien n’est plus agaçant pour moi, Africain, que de lire que Brigitte Girardin, la ministre déléguée à la Coopération, au Développement et la la Francophonie, « connaît l’Afrique pour avoir vécu au Tachad lorsqu’elle avait 15 ans ».
Le Tchad est un des 53 pays membres de l’Union africaine. C’est un pays francophone sahélien quasi désertique. Il est certainement plus dissemblable tant géographiquement que culturellement de la Zambie que ne le sont la France et la Belgique.
J’ai vécu en France puis au Royaume-Uni pendant onze ans et j’habite actuellement aux Pays-Bas depuis un an. Je n’ai pas pour autant la prétention d’affirmer que je connais l’Europe.

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Un pécule pour les jeunes Africains
La création de l’Union africaine ne suffit pas à sortir nos pays de la misère. Les jeunes sont l’avenir de l’Afrique, alors faisons quelque chose pour eux. Nous, Africains de la diaspora, qui avons la chance de travailler, donnons une petite somme proportionnelle à notre paie, pour construire des centres de formation à des métiers artisanaux sur le continent.
Notre avenir dans les pays occidentaux s’annonce de plus en plus difficile : les attentats du 11 septembre ont donné à nos hôtes une raison pour s’éloigner de la tolérance artificielle, fragile et parfois forcée à notre égard. Ils ont aussi permis le déchaînement des passions et de la haine, cette même haine qui a fait de nous des exclus dans leur société et une stratégie se profile déjà pour se débarrasser des indésirables. En clair, ils acceptent mieux un immigré venant de n’importe quel coin d’Europe plutôt qu’un immigré africain, car ces premiers sont plus proches d’eux culturellement.
C’est pourquoi nous devons aider les jeunes dans nos pays natals pour éviter les flux migratoires vers des nations qui nous sont de plus en plus hostiles.

L’ombre d’un général
« Togo, de père en fils », avez-vous écrit -voir J.A.I. n° 2301). C’est vrai. Le président Faure Gnassingbé a du mal à sortir hors des sentiers battus par son défunt père. Il suffit de constater que perdure la fête du 13 janvier, autrefois nommée « Fête de la libération », rebaptisée « Fête des armées ». L’histoire du Togo révèle cependant que le 13 janvier s’est produit l’assassinat du premier président Sylvanus Olympio et non l’accession au pouvoir de Gnassingbé Eyadéma, qui a eu lieu en avril 1967, à la suite du renversement de Nicolas Grunitzky puis de l’intérim assuré par Kléber Dadjo. Pourquoi maintenir la célébration d’un assassinat comme fête nationale, quand on s’est donné pour mission de réconcilier un peuple divisé par son histoire ?

Colonisation : quels bienfaits ?
Parler des bienfaits de la colonisation est pure provocation pour une bonne partie des pays africains, en particulier pour l’Algérie qui a subi 132 ans de colonisation. Dans la définition de ce mot, il n’y a ni place, ni lien avec le terme « bienfait ».
Ce ne sont sûrement pas les massacres et les pillages du maréchal de Bourmont et du général Clauzel, ni les tueries et les destructions du général Saint-Arnaud qui peuvent être à l’origine d’un quelconque bienfait. Les seuls dont on peut parler sont à destination de la France. Voyez Main basse sur Alger, le livre de Pierre Péan. En voici un extrait : « C’est donc avec l’argent d’Alger que se serait créée la plus grande entreprise de sidérurgie française, qui deviendra le principal moteur du développement de la France au XIXe siècle. Huit ans après la conquête d’Alger. »
L’Afrique a subi les affres de la colonisation mercantiliste de la France et ses méfaits se prolongent jusqu’à nos jours. Je me demande qu’elle aurait été la réaction de la France, si les Allemands se mettaient à parler des bienfaits de l’Occupation entre 1939 et 1945 ?

Intelligent… et passionnant
J’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir et lire le n° 1 de la Revue de l’intelligent. Les articles sont bien écrits et très documentés. Les thèmes traités sont variés et couvrent toute l’actualité. J’ai particulièrement apprécié le portrait au vitriol de Dick Cheney et le récit sur les émissions de télévision en Corée du Nord, complètement décalé par rapport au monde moderne. Continuez, c’est passionnant !

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