Soudan : Abdallah Hamdock jette l’éponge

Moins de deux mois après être revenu au pouvoir, le Premier ministre a annoncé sa démission. Il a dit avoir « tout tenté » pour son pays, mais a reconnu avoir échoué. Depuis le putsch d’octobre, la répression des manifestations a fait près de 60 morts.

Abdallah Hamdok à Khartoum, au Soudan, le 24 août 2019. © MOHAMED NURELDIN ABDALLAH/REUTERS

Abdallah Hamdok à Khartoum, au Soudan, le 24 août 2019. © MOHAMED NURELDIN ABDALLAH/REUTERS

Publié le 3 janvier 2022 Lecture : 3 minutes.

Ce dimanche 2 janvier, alors qu’il était revenu au pouvoir dans le cadre d’un accord politique conclu avec les militaires moins de deux mois plus tôt, Abdallah Hamdok a annoncé qu’il quittait ses fonctions de Premier ministre.

Ces derniers jours, la rumeur n’avait cessé d’enfler, la presse locale assurant même qu’il ne se présentait plus à son bureau. Lors d’une longue intervention sur les ondes de la télévision d’État, il a dit avoir tout tenté mais échoué à mener à bien sa mission.

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Tournant dangereux

« J’ai essayé d’empêcher [le Soudan] de glisser vers la catastrophe, alors qu’aujourd’hui il traverse un tournant dangereux qui menace sa survie […] au vu de la fragmentation des forces politiques et des conflits entre les composantes de la transition, a-t-il argué. Malgré tout ce qui a été fait pour parvenir à un consensus, […] cela ne s’est pas produit. »

Les positions des civils et des militaires sont trop irréconciliables pour qu’un « consensus » vienne « mettre fin à l’effusion de sang », a-t-il encore ajouté.

Cet ancien économiste onusien, qui avait obtenu l’effacement de la dette du Soudan et la fin de son isolement sur la scène internationale, n’a pas connu de répit depuis le coup d’État du 25 octobre 2021. 

Ce jour-là, son principal partenaire, le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, l’avait fait placer en résidence surveillée. Et avec lui, la quasi-totalité des civils des autorités de transition, rompant brutalement l’attelage baroque constitué en 2019, au lendemain de la chute du président Omar el-Béchir.

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À l’époque, généraux et civils s’étaient entendus sur un calendrier de transition qui prévoyait une remise de la totalité du pouvoir aux civils et l’organisation d’élections libres en 2023. Mais le 25 octobre dernier, le général Burhane a rebattu les cartes : il a prolongé de deux ans son mandat à la tête du pays, puis réinstallé un mois plus tard Abdallah Hamdok dans ses fonctions, non sans avoir préalablement écarté nombre de responsables qui comptaient parmi les partisans les plus actifs d’un pouvoir civil, notamment au sein du Conseil de souveraineté.

« Traître »

Abdallah Hamdok était depuis perçu par la rue comme le « traître » qui aidait les militaires à « faciliter le retour de l’ancien régime ».

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Depuis le putsch, 57 manifestants ont été tués et des centaines d’autres blessés. Ce dimanche, dans un ballet désormais rodé, les autorités ont une nouvelle fois tenté d’étouffer la mobilisation. Des milliers de Soudanais étaient sortis dans les rues et les forces de sécurité ont tué deux personnes.

La ville de Khartoum est depuis plusieurs jours coupée de ses banlieues par des containers placés en travers des ponts situés sur le Nil. Sur les principaux axes, les forces de sécurité, juchées sur des blindés armés de mitrailleuses lourdes, surveillent les passants.

Les manifestants appellent à faire de 2022 « l’année de la poursuite de la résistance »

Toute l’après-midi ce dimanche, les partisans d’un pouvoir civil ont scandé des slogans hostiles aux militaires (« Les militaires à la caserne », « Le pouvoir au peuple »), tandis que des jeunes à motos sillonnaient la foule en évacuant les blessés, puisqu’à chaque mobilisation les ambulances sont bloquées par les forces de sécurité.

Les manifestants appellent à faire de 2022 « l’année de la poursuite de la résistance », réclamant justice pour ceux qui ont été tués depuis le putsch, mais aussi pour les plus de 250 civils abattus lors de la « révolution » de 2019.

Internet coupé

Outre les morts et la coupure du téléphone et d’internet, les forces de sécurité sont également accusées d’avoir eu recours en décembre à un nouvel outil de répression : le viol. Au moins 13 manifestantes ont été agressées, selon l’ONU.

Chaque jour et dans chaque quartier, des comités de résistance, petits groupes qui organisent les manifestations, annoncent par ailleurs de nouvelles arrestations ou disparitions dans leurs rangs.

Les manifestations ne sont qu’une perte d’énergie et de temps

Les militaires paraissent pour l’instant sourds à la contestation. Un conseiller du général Burhane a affirmé vendredi que « les manifestations ne sont qu’une perte d’énergie et de temps » qui ne mènera « à aucune solution politique ».

Les Européens ont déjà exprimé leur indignation, de même que le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, et les Nations unies. Tous plaident pour un retour au dialogue comme préalable à la reprise de l’aide internationale, coupée après le dernier putsch.

Antony Blinken a prévenu que les États-Unis étaient « prêts à répondre à tous ceux qui cherchent à empêcher les Soudanais de poursuivre leur quête d’un gouvernement civil et démocratique ».

(Avec AFP)

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