Museveni à l’épreuve des urnes

Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir en 1986, le chef de l’État affronte une opposition déterminée.

Publié le 6 février 2006 Lecture : 3 minutes.

Il y a tout juste vingt ans, le 29 janvier 1986, Yoweri Museveni, chef rebelle de l’Armée nationale de résistance (NRA), était proclamé président de l’Ouganda. Trois jours plus tôt, ses troupes avaient pris Kampala, mettant fin à cinq ans d’une guérilla sanglante contre le régime de Milton Obote. Deux décennies plus tard, l’heure n’est pourtant pas à la fête pour le président ougandais. Mais à l’épreuve de la présidentielle du 23 février. En juillet 2005, après avoir longtemps loué les vertus du « no party system », Museveni appelait ses compatriotes à se prononcer par référendum sur l’adoption du multipartisme. Lâchant du lest « démocratique », il faisait ainsi passer la pilule d’un amendement constitutionnel lui permettant de briguer un troisième mandat. Et ne doutait pas de sa réélection triomphale.
Mais à moins d’un mois du scrutin, la mécanique ne semble plus aussi bien huilée. Car l’opposition, jusque-là diabolisée, n’a pas hésité à s’engouffrer dans la brèche pour dénoncer la manuvre et critiquer avec force le régime « dictatorial » de l’ancien guérillero. Dès son retour, le 26 octobre 2005, d’un exil de quatre ans, l’opposant Kizza Besigye, ancien médecin personnel de Museveni, choisi comme candidat par le Forum pour un changement démocratique (FDC), a donné le ton. Il a stigmatisé « la persécution politique qui règne dans ce pays », estimant que rien n’avait réellement changé depuis son départ forcé au lendemain de la présidentielle de 2001.
Comme pour lui donner raison, la réaction brutale du pouvoir ne se fait pas attendre. Après un mois de campagne qui confirme sa popularité croissante, l’ancien compagnon de lutte de Museveni est arrêté et accusé pêle-mêle de viol, de trahison et de terrorisme. Parmi les chefs d’accusation les plus graves, des contacts avec l’Armée de résistance du seigneur (LRA), la rébellion armée du Nord, que Kizza Besigye nie farouchement. « Je ne suis impliqué d’aucune manière dans des efforts qui seraient entrepris pour renverser l’actuel régime par la force. Tout ce que j’ai dit c’est qu’un gouvernement qui se conduit d’une manière qui va à l’encontre de son peuple doit être combattu. » L’arrestation du médecin provoque un véritable tollé dans le pays et pousse les opposants au rapprochement. « Chaque parti fait sa campagne, mais dans l’idée d’unir nos forces pour chasser Museveni », affirme le maire de Kampala, John Ssebaana Kizito, en lice pour le Parti démocratique (DP). Quant à Miria Obote, l’épouse de l’ancien dictateur, elle aussi rentrée d’exil en octobre 2005 et candidate pour le Uganda People’s Congress (UPC), elle appelle à la chute d’un « gouvernement personnalisé ». Libéré sous caution le 2 janvier dernier, Besigye sait que son salut se jouera dans sa capacité à fédérer l’opposition derrière lui. « Peut-être serai-je arrêté de nouveau, a-t-il déclaré à sa sortie de prison, mais nous devons continuer la lutte. » Pour l’opposant, qui partage désormais son temps entre les meetings politiques et les comparutions judiciaires, l’enjeu des prochaines semaines est clair : se maintenir coûte que coûte dans la course présidentielle. Car, selon la loi, sa candidature serait automatiquement annulée en cas de condamnation. Recommandé par les jurés après quatre semaines d’audience, un acquittement dans son procès pour viol pourrait être une première victoire.
Du côté de Museveni, la voie apparaît bien étroite. En continuant de s’acharner contre Besigye et en multipliant les intimidations contre l’opposition, il court le risque de se mettre à dos l’ensemble de la communauté internationale, déjà fort critique. Après la Norvège et l’Irlande, la Suède et la Grande-Bretagne ont annoncé en décembre le gel d’une partie de leur aide budgétaire, tandis que la condamnation de l’Ouganda par la Cour internationale de justice (CIJ) pour violation de la souveraineté territoriale de la République démocratique du Congo ternissait encore davantage la réputation du régime.
À l’inverse, en faisant le choix de laisser à l’opposition toute sa marge de manuvre pour mener campagne, les manquements démocratiques de vingt ans de pouvoir autoritaire n’en seront que plus violemment dénoncés. Et même s’il garde tous les avantages du candidat sortant et jouit encore du soutien d’une majorité de la population qui lui sait toujours gré de longues années de paix et de prospérité, le président ougandais aura alors bien des difficultés à éteindre le feu des critiques allumé de plus belle depuis deux mois.

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